GENERALITES SUR L'EXERCICE DU POUVOIR EN AFRIQUE

Maurice Delafosse écrivait déjà en 1925 à propos de l'autorité royale en Afrique : « En générale, le pouvoir se transmet, pour chaque Etat, dans une famille donnée, mais il n'est pas héréditaire à proprement parler, en ce sens que ce n'est pas nécessairement l'héritier naturel et direct du chef défunt qui succède à celui-ci. A côté de la famille qui a le privilège de fournir le roi, il en existe le plus souvent deux autres, dont l'une fournit le ou les électeurs du roi et l'autre le ou les intronisateurs. Le choix des électeurs ne peut s'exercer que dans la limite des membres de la famille royale, mais, sous cette réserve, et compte tenu de l'opinion publique exprimée par les anciens, ce choix s'opère librement; il faut d'autre part, que le successeur du roi défunt ait été désigné par le ou les électeurs pour être investi de l'autorité. Non seulement les intronisateurs et les électeurs détiennent la faculté de faire ou de ne pas faire les rois, mais ils possèdent aussi celle de les défaire, en sorte que leur influence est considérable et qu'elle suffirait, à elle seule, à constituer un important contrepoids aux velléités de tyrannie et à l'omnipotence du souverain. L'autorité de ce dernier est encore contrebalancée par l'obligation, que lui impose l'usage, d'en déléguer une partie à des ministres , dont chacun a des attributions définies, et qu'il n'est pas toujours maître de nommer ou révoquer à son gré, la coutume conférant le plus souvent chaque charge ministérielle à une famille déterminée, aussi bien que la dignité royale et que la fonction d'électeur ou d'intronisateur.Nous sommes donc bien loin du système de monarchie absolue dont on est parfois enclin à supposer l'existence en pays noir». Il existe le plus souvent, dans les sociétés africaines, un dispositif légal pour empêcher les possibles abus d'un monarque trop puissant. Ce sont les ministres qui aident le souverain en des matières spécialisés et des réunions périodiques d'organes consultatifs, les conseils. Ceux-ci présentent une gamme complète, depuis une réunion de quelques princes ou ministres, jusqu'à l'assemblée générale de l'ensemble de la tribu, en passant par toutes les nuances possibles, des assemblées parlementaires (représentation des chefs de clans, de prêtres de telle divinité..). Joseph Ki-Zerbo, grand historien de l'Afrique écrit : « Le constitutionnalisme, a-t-on dit, est un fait organique de la vie politique africaine. De multiples institutions, véritables contrepoids comme dirait Montesquieu, interviennent dès le stade de l'élection du chef. dans l'exercice du pouvoir, celui-ci n'est maître absolu que dans le cadre des moeurs et traditions. Ses décisions chuchotées, puis clamées par le forgeron sont prises après consultation des notables et de l'assemblée des délégués des villages et des différentes couches sociales ». Il faut aussi souligner l'institution permanente du palabre qui est un système pour tout arranger par les moyens d'assemblée et de débats. Le chef politico-religieux, le seul véritable chef est partie intégrante de la communauté. Il sert en quelque sorte de baromètre à sa vitalité. Il est souvent l'intermédiaire entre les membres vivants de la communauté d'une part, les morts et les forces naturelles d'autre part. Le chef est d'essence divine, il représente les ancêtres, le passé de la tribu et sa gloire. Il concentre en sa personne l'ensemble des forces magiques du pays. De lui dépend la plus ou moins grande fertilité du sol, l'abondance et la bonne répartition des pluies. Les sociétés de l'Afrique pré-coloniale étaient très variées et s'échelonnaient de la horde patrilinéaire ou matrilinéaire parfois très isolée, aux sociétés qui disséminées jusqu'à la lisière de la forêt étaient hautement différenciées et vivaient à l'unisson du reste du monde quoique avec des moyens techniques beaucoup plus réduits en raison des multiples barrages géographiques et économiques.. A la base donc, il y avait des sociétés segmentaires où le principal et parfois l'unique moteur socio-économique était la grande famille patriarcale à patronyme commun rassemblée en général dans une cour commune. Plusieurs clans liés en général par la communautés de langues constituent une ethnie. Celle-ci est donc dèja à un niveau élémentaire une communauté de culture et de destin. Dans de telles sociétés, l'autorité reposait en général entre les mains des aînés. La détermination de la séniorité était d'ailleurs facilitée par la coutume de consacrer les promotions de jeunes à la fin de stage périodique d'initiation sociale et d'éducation sexuelle, matérialisé souvent par des marques corporelles. Les membres des classes d'âge, après avoir subi une série d'épreuves et de baptême, accédaient à la vie d'homme et de femmes ayant voix au chapitre dans la cité.

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