Les éléctions del'année 2006 en République Démocratique du Congo

'' Les élections de 2006, validées par de nombreux observateurs étrangers et massivement suivies par la population, n’ont pas « rétabli » le système démocratique au Congo : elles l’ont pratiquement fondé. En effet, à part les années difficiles, de l’indépendance de 1960 jusqu’au coup d’Etat de Mobutu en 1965, jamais le pays n’a vécu dans un régime démocratique, où les dirigeants auraient eu des comptes à rendre à leurs administrés.
Durant les 80 années de colonisation, la politique n’avait pas sa place au Congo. Léopold II, souverain tout puissant, tenait en mains les rênes d’une colonie qui était d’abord une entreprise économique, où il s’agissait de tirer les indigènes de leur « indolence naturelle » pour les « mettre au travail ».
Lorsque la Belgique, réticente et sensible aux critiques internationales, reprit le Congo en 1908, elle édifia la « trinité coloniale » qui reposait sur trois piliers : l’administration, chargée de gérer le territoire, les missions, chargées d’évangéliser, de « civiliser » et qui se virent confier le monopole de l’enseignement, et les grandes sociétés, chargées de la « mise en valeur » économique.
Suivant la formule de Jean Stengers, on pouvait, en traversant de parc de Bruxelles, rencontrer tous ceux qui décidaient du sort du Congo : c’est devant le Parlement belge que le Ministre des Colonies devait répondre de son action. Quant au roi, en principe privé de tout pouvoir en Belgique, il était doté, dans la colonie, du pouvoir législatif, assisté du Conseil colonial.
Au Congo, l’autorité était représentée par le gouverneur général et le Conseil de gouvernement, nommés par Bruxelles. Les Belges d’Afrique n’avaient pas voix au chapitre, ni dans la colonie, ni même en Belgique où ils étaient privés du droit de vote, ce qui suscita de nombreuses protestations.
Quant aux Congolais, ils n’avaient guère voix au chapitre : ce n’ est qu’après 1945 que les premiers d’entre eux purent entrer au Conseil de gouvernement et ce n’est qu’en 1957 qu’auront lieu, au niveau communal, les premières élections, uniquement dans les villes.
Toujours vêtu de blanc, doté d’une coiffe impressionnante, le gouverneur général, représentant du Roi, exerce l’autorité suprême. Tout est fait pour qu’aux yeux des Congolais, il incarne le « grand chef » et de fait, son autonomie de décision sur le terrain est assez grande même si in fine c’est à Bruxelles qu’il doit rendre compte à Bruxelles.
L’action du gouverneur général est relayée par ce que les Congolais appellent « Bula Matari », le casseur de pierres, (surnom donné à Stanley) et qui désigne l’administration territoriale. Les observateurs seront toujours surpris par le fait que les Belges, en nombre aussi restreint, aient pu exercer leur autorité sur d’aussi vastes territoires : administrateur, agents territoriaux, ils n’étaient jamais plus d’une demi douzaine pour faire appliquer la loi et défendre l’ordre dans des circonscriptions aussi vastes que les trois quarts de la Belgique ! Mais ils étaient tenus d’aller sur le terrain, au moins trois semaines par mois et rien ne leur échappait. Sur le plan technique, leur politique était relayée par des agronomes, des ingénieurs, des médecins qui appliquaient les directives édictées par Bruxelles. A l’égard des indigènes, ces agents incarnaient une forme de contrainte (ils imposaient des cultures obligatoires ou des mesures sanitaires) mais leur autorité s’exerçait aussi sur les grandes sociétés ( limitant le recrutement de main d’œuvre ou imposant des dispensaires)
Si les Belges pouvaient se permettre d’être aussi peu nombreux, c’est parce qu’ils pratiquaient l’administration indirecte : ils se reposaient sur les « chefs ». Ces derniers administraient des « chefferies » et accédaient à leurs fonctions conformément à la coutume. En réalité, l’administration choisissait ses « chefs », parmi les plus dociles à ses exigences, ceux qui percevaient l’impôt, faisaient respecter les cultures obligatoires, envoyaient de la main d’œuvre vers les grandes sociétés. Bien souvent les véritables chefs, dont l’autorité était reconnue par les Congolais, demeuraient cachés ou avaient été éliminés au profit des « chefs médaillés », reconnus et décorés par l’administration. Longtemps après l’indépendance, cette dualité devait persister, entre les chefs apparents et les véritables autorités traditionnelles qui, par exemple, furent à l’origine du mouvement Mai Mai du Kivu, qui résista à l’occupation des troupes rwandaises…
Des élections locales, dont l’organisation est prévue depuis 2006, devraient instaurer, à la base, les véritables légitimités mais elles n’ont toujours pas eu lieu…
En 1955, alors que Van Bilsen préparait son plan prévoyant de mener le Congo à l’indépendance -dans un délai de trente ans- la chanson d’Adu Elenga enfiévrait les bars de Kinshasa "

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