LES SYSTEMES POLITIQUES EN AFRIQUE NOIRE PRE-COLONIALE

Il est évident que ce travail ne prétend pas rendre compte de tous les systèmes politiques en vigueur en Afrique noire pré-coloniale. J'ai donc décidé d'étudier, à la fois des royaumes et des Etats, mais aussi des ethnies dans lesquels le pouvoir du roi n'est jamais absolu. Je commencerai ce sujet par quelques généralités sur le pouvoir en Afrique puis m'attarderai sur l'étude de cas précis (constitution mossi et du Cayor, structures politiques dans l'empire du Ghana et du Mali, organisation sociale chez les Ewés et les Yoroubas....). Ce travail permettra aussi de mieux comprendre le mode d'organisation des sociétés traditionnelles.
Mon but final en faisant ce sujet est de pousser la réflexion sur les systèmes politiques africains contemporains : il serait judicieux aujourd'hui, étant donné les échecs relatifs des modèles démocratiques occidentaux importés en Afrique, de redéfinir un modèle politique « à l'africaine », qui tienne compte des composantes des sociétés africaines. L'étude des systèmes politiques de l'Afrique pré-coloniale peut certainement aider à la construction de ce modèle.
I) GENERALITES SUR L'EXERCICE DU POUVOIR EN AFRIQUE
Maurice Delafosse écrivait déjà en 1925 à propos de l'autorité royale en Afrique : « En générale, le pouvoir se transmet, pour chaque Etat, dans une famille donnée, mais il n'est pas héréditaire à proprement parler, en ce sens que ce n'est pas nécessairement l'héritier naturel et direct du chef défunt qui succède à celui-ci. A côté de la famille qui a le privilège de fournir le roi, il en existe le plus souvent deux autres, dont l'une fournit le ou les électeurs du roi et l'autre le ou les intronisateurs. Le choix des électeurs ne peut s'exercer que dans la limite des membres de la famille royale, mais, sous cette réserve, et compte tenu de l'opinion publique exprimée par les anciens, ce choix s'opère librement; il faut d'autre part, que le successeur du roi défunt ait été désigné par le ou les électeurs pour être investi de l'autorité. Non seulement les intronisateurs et les électeurs détiennent la faculté de faire ou de ne pas faire les rois, mais ils possèdent aussi celle de les défaire, en sorte que leur influence est considérable et qu'elle suffirait, à elle seule, à constituer un important contrepoids aux velléités de tyrannie et à l'omnipotence du souverain. L'autorité de ce dernier est encore contrebalancée par l'obligation, que lui impose l'usage, d'en déléguer une partie à des ministres , dont chacun a des attributions définies, et qu'il n'est pas toujours maître de nommer ou révoquer à son gré, la coutume conférant le plus souvent chaque charge ministérielle à une famille déterminée, aussi bien que la dignité royale et que la fonction d'électeur ou d'intronisateur.Nous sommes donc bien loin du système de monarchie absolue dont on est parfois enclin à supposer l'existence en pays noir».
Il existe le plus souvent, dans les sociétés africaines, un dispositif légal pour empêcher les possibles abus d'un monarque trop puissant. Ce sont les ministres qui aident le souverain en des matières spécialisés et des réunions périodiques d'organes consultatifs, les conseils. Ceux-ci présentent une gamme complète, depuis une réunion de quelques princes ou ministres, jusqu'à l'assemblée générale de l'ensemble de la tribu, en passant par toutes les nuances possibles, des assemblées parlementaires (représentation des chefs de clans, de prêtres de telle divinité..).
Joseph Ki-Zerbo, grand historien de l'Afrique écrit : « Le constitutionnalisme, a-t-on dit, est un fait organique de la vie politique africaine. De multiples institutions, véritables contrepoids comme dirait Montesquieu, interviennent dès le stade de l'élection du chef. dans l'exercice du pouvoir, celui-ci n'est maître absolu que dans le cadre des moeurs et traditions. Ses décisions chuchotées, puis clamées par le forgeron sont prises après consultation des notables et de l'assemblée des délégués des villages et des différentes couches sociales ». Il faut aussi souligner l'institution permanente du palabre qui est un système pour tout arranger par les moyens d'assemblée et de débats.
Le chef politico-religieux, le seul véritable chef est partie intégrante de la communauté. Il sert en quelque sorte de baromètre à sa vitalité. Il est souvent l'intermédiaire entre les membres vivants de la communauté d'une part, les morts et les forces naturelles d'autre part. Le chef est d'essence divine, il représente les ancêtres, le passé de la tribu et sa gloire. Il concentre en sa personne l'ensemble des forces magiques du pays. De lui dépend la plus ou moins grande fertilité du sol, l'abondance et la bonne répartition des pluies.
Les sociétés de l'Afrique pré-coloniale étaient très variées et s'échelonnaient de la horde patrilinéaire ou matrilinéaire parfois très isolée, aux sociétés qui disséminées jusqu'à la lisière de la forêt étaient hautement différenciées

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