« Le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la Cour pénale internationale »

" Le travail du Procureur a « sans aucun doute un effet politique et nous le voyons tous les jours. Et là, le nouveau Procureur va devoir trouver le juste équilibre ». Les propos tenus par M. Christian WENAWESER, président sortant de l'assemblée des Etats parties au Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale illustrent les liens étroits qu'entretiennent la justice pénale internationale et le politique, et plus particulièrement, la relation qui lie le Procureur de la Cour pénale internationale aux acteurs internationaux traditionnels que sont les Etats et les organisations internationales. Dans ce discours, tenu à l'occasion de l'élection de Mme Fatou BENSOUDA pour succéder au Procureur Luis MORENO OCAMPO, le président de l'assemblée des Etats parties évoque les effets politiques possibles des décisions du Procureur sans induire pour autant que ses décisions sont déterminées par des considérations d'ordre politique. La politisation possible des décisions, et notamment des décisions du Procureur, constitue néanmoins l'un des aspects de la justice pénale internationale donnant le plus lieu à controverses. Cette critique, tenace, est inhérente à l'essor même de la justice pénale internationale. L'histoire de la justice pénale internationale révèle en effet la forte proximité qu'entretiennent répression internationale et politique. C'est dans le contexte de guerres au retentissement majeur et dans la recherche de moyens de châtier les vaincus, que l'idée de justice pénale internationale a trouvé ses premières concrétisations. Ainsi, après la première guerre mondiale, les alliés ont envisagé au titre des sanctions infligées à l'Allemagne, la constitution d'un tribunal composé de cinq juges nommés par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Italie et le Japon pour juger l'ex-Empereur d'Allemagne, Guilllaume II, mis en accusation par ces mêmes puissances pour offense suprême contre la moralité et l'autorité sacrée des traités. Cette première étape en vue de l'instauration d'une juridiction pénale internationale montre que les origines de la justice pénale internationale sont moins à rechercher dans la volonté de promouvoir un droit international des droits de l'homme et d'en garantir l'effectivité que dans la volonté de punir l'ennemi et en quelque sorte, « de continuer la guerre par d'autres moyens ».Les tribunaux militaires institués après la seconde guerre mondiale s'inscrivaient dans .1 Article 227 du traité de Versailles. Réfugié aux Pays-Bas, Guillaume II ne fut jamais livré aux vainqueurs .la même logique de règlement des conflits voulue par les vainqueurs. Ainsi du tribunal militaire international de Nuremberg crée par les accords de Londres du 8 août 1945 et du tribunal international pour l'Extrême-Orient crée suite à la déclaration du Général MacArthur, Commandant suprême des forces alliées. Conformément au souhait des alliés, ces premiers tribunaux internationaux n'étaient composés que de membres issus des Etats victorieux à savoir, l'URSS, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. Bien que non exemptes de tout grief en ce qui concerne notamment la commission de crimes de guerre2, les puissances alliées avaient exclu que la responsabilité pénale de leurs propres dirigeants puisse être recherchée .De plus, les procès satisfaisaient peu aux standards du procès équitable3, et ce notamment dans le domaine de l'administration de la preuve. Les articles 19 et 21 des accords de Londres stipulaient par exemple que « le Tribunal n'exigera pas que soit rapportée la preuve des faits de notoriété publique, mais les tiendra pour acquis. Il considère également comme preuves authentiques, les documents et rapports officiels des gouvernements alliés ».Enfin, les libertés prises quant au respect du principe fondamental du droit pénal de non-rétroactivité de la loi pénale, tendaient également à renforcer l'idée que la justice pénale internationale était moins mobilisée comme institution destinée à prémunir contre l'arbitraire et à promouvoir le respect de la règle de droit, que comme instrument des vainqueurs. Ainsi, l'introduction du crime contre l'humanité au sein des accords de Londres a eu pour effet de voir reprocher aux accusés, la commission d'un crime qui n'avait pas été défini et qui n'existait pas au moment où ils avaient agi. Si l'idée qui a prévalu alors était de pallier l'insuffisance de la notion de crime de guerre seule en vigueur et qui, ne concernant que les actes commis sur des civils et militaires d'Etats ennemis excluait de son champ, les actes commis par des Allemands sur des juifs allemands, cette brèche dans la non- rétroactivité a pu conforter les critiques contre la justice pénale internationale, justice d'exception .Les premières juridictions pénales internationales s'inscrivent donc davantage dans la volonté .2 Le massacre de Katyn avait été imputé par les Soviétiques aux troupes allemandes ."

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