« Politique des africains bilan de plus d'un demi-siècle d’indépendance dans les chaos avec des complicités des grandes puissances »

" Asha-Rose Migiro avait un aveu à faire. À l'ouverture de la conférence internationale de deux jours consacrée au bilan des 50 ans d'indépendance de près d'une vingtaine de pays africains, en présence des dignitaires locaux et internationaux rassemblés dans la capitale du Cameroun, la Vice-Secrétaire générale de l'ONU, a d'abord avoué qu'elle était trop jeune pour célébrer l'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960. Cependant, a-t-elle poursuivi, évoquant l'indépendance de son propre pays, "je me rappelle clairement la joie dans mon école quand la Tanzanie est devenue indépendante. C'était vraiment des jours grisants pour l'Afrique."
Depuis lors, l'Afrique a connu des réussites notables, a déclaré Mme Migiro. Le continent a produit de grandes figures comme Julius Nyerere et Nelson Mandela ainsi que des millions de "héros et d'héroïnes anonymes" qui consacrent leurs efforts quotidiens à offrir une vie meilleure à leurs enfants.
"Cependant, a ajouté Mme Migiro, tout en célébrant les succès, les opportunités et le potentiel de l'Afrique, nous devons aussi nous pencher sur les réalités et les défis auxquels est confronté le continent." Trop de bébés continuent à mourir en bas âge, trop peu d'enfants trouvent une place à l'école, trop d'agriculteurs ne parvienent pas à apporter leurs récoltes jusqu'au marché et trop d'usines sont immobilisées faute de pièces de rechange, de main d'œuvre qualifiée ou d'investissement, a-t-elle précisé.
Ce bilan en demi-teintes du cinquantenaire de l'Afrique indépendante est typique des réactions que l'événement a inspirées à travers le continent. King Mensah, célèbre chanteur togolais, a déclaré à une chaîne de télévision française, "en 50 ans, il y a eu de bonnes choses, mais il y a encore beaucoup de travail." Il a ajouté que si on ressuscitait son père mort il y a 25 ans, "il pourrait rentrer à la maison sans demander son chemin à personne. Il n'y a pas eu beaucoup de changements ! Ça ne veut pas dire que les politiques n'ont rien fait du tout, mais il y a eu plus de choses négatives que positives."
Erreurs et tâtonnements
Les dirigeants africains eux-mêmes, bien qu'ils mettent souvent l'accent sur les progrès réalisés, ont néanmoins reconnu certains problèmes.
"Des tâtonnements ? Bien sûr, des erreurs ? Sans doute nous en avons faits, mais pouvait-il en être autrement ?" a reconnu le Président camerounais Paul Biya à l'ouverture des travaux de la conférence. Et d'expliquer qu'au lieu d'évoquer : "la faim, les pandémies, la guerre civile, les pressions extérieures et même la corruption pour justifier nos échecs, nous préférons les assumer et dire 'nous avons fait de notre mieux'."
Cette conférence, intitulée "Africa 21 : l'Afrique, une chance pour le monde" marquait le 50e anniversaire de l'indépendance de 17 pays africains, principalement des ex-colonies françaises dont le Cameroun, mais aussi du Nigéria, de la Somalie et de la République démocratique du Congo (RDC). Plus qu'une simple célébration, la conférence de Yaoundé avait pour but de stimuler la réflexion des dirigeants politiques, des experts universitaires, des représentants de la société civile, des gens d'affaires, et des bailleurs de fonds sur les expériences vécues par le continent ces 50 dernières années — et sur les perspectives d'avenir qui se présentent à lui. Quel que soit le bilan qu'ils tirent de ce passé, la plupart se sont accordés pour affirmer que le continent recèle un énorme potentiel.
Des drapeaux brandis bien haut lors du défilé de la fête nationale du Cameroun : le Président Paul Biya et d'autres dirigeants africains notent cependant que la plupart des pays d'Afrique restent fortement dépendants d'une économie internationale sur laquelle ils ont peu d'influence.
Photo: ACP Presse et information / Robert L. Iroga
'Indépendance inachevée'
Pour Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l'ONU, l'accession à l'indépendance a provoqué une réorientation fondamentale des pays africains. "Libérés du contrôle des capitales européennes, ils ont cherché leurs propres méthodes de gouvernement et leurs propres orientations politiques et ont forgé leurs identités nationales. Un grand nombre de ces pays ont fait d'énormes efforts pour développer des économies fonctionnelles et des systèmes politiques qui donnent la priorité aux besoins de leurs propres citoyens, plutôt qu'à ceux de consommateurs éloignés."
Certains participants à la conférence ont cependant remis en question la portée de ces changements. La plupart des économies africaines reposant toujours en grande partie sur des financements extérieurs et sur les revenus des matières premières, les rapports commerciaux restent ceux qui avaient été développés pendant la période coloniale. Le Président Biya a remarqué qu'avec la mondialisation, en Afrique "les économies nationales sont toujours soumises aux fluctuations d'une économie mondiale sur laquelle les gouvernements ont peu d'influence."

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