« Constitution non démocratique dans beaucoup des pays en Afrique subsaharienne , où plusieurs problèmes de pauvreté et d’exclusion sont dus au fait que les gens n’ont pas la capacité effective de défendre leurs droits et d’orienter leurs avenirs par des choix libres de leurs dirigeants, les principes démocratiques ne sont pas un luxe. Et pourtant, chaque pays africain a une Constitution que le petit Larousse définit comme« l’ensemble des lois fondamentales qui établissent la forme d’un gouvernement, règlent les rapports entre gouvernants et gouvernés et déterminent l’organisation des pouvoirs publics ». A quoi sert donc la Constitution en Afrique subsaharienne si les pays africains en possèdent mais appliquent autre chose que ce qu’elle prévoit ? Notre tentative de réponse à cette question difficile avance deux hypothèses autour desquelles se structure ce texte »

" Plusieurs Constitutions africaines sont révisées après les années nonante, par besoin d’adaptation de la loi fondamentale à la nouvelle donne politique exigée par la communauté internationale. En effet, si les démocraties s’installent dans ce continent, les Constitutions nationales jadis construites sur la base des partis uniques, devenaient obsolètes et nécessitaient de ce fait, des ajustements par rapport aux nouvelles règles du jeux politique et de la gestion de la chose publique. Cependant, les premières réformes constitutionnelles de ce continent, tout en intégrant les principes démocratiques, ont surtout pour but d’allonger la durée et le nombre de mandats des présidents africains déjà en poste pendant le règne du parti unique. Ce fut aujourd' hui le cas au Congo Brazza où le projet de constitution dont les autorités de Brazzaville ont annoncé mardi l'adoption à l'issue du référendum contesté de dimanche doit faire entrer le Congo dans une nouvelle République et permet au président Denis Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat en 2016. Référendum constitutionnel au Congo-Brazzaville : le oui l’emporte à 92,96% peut être allongea non seulement le mandat présidentiel de cinq à sept ans. La disposition la plus controversée du texte est son article 65 stipulant que le chef de l’État "est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable deux fois" . Le Togo, le Gabon et bien d’autres pays ont révisé leurs Constitutions moins pour améliorer le jeu démocratique que pour redonner une virginité politique aux hommes en place en faisant de ces nouvelles Constitutions. A ce stade, il apparaît que les partis au pouvoir se sont définis des agendas politiques cachés dès l’avènement des démocraties. Ces agendas politiques souterrains consistent à se maintenir au pouvoir en instrumentalisant les exigences démocratiques de la communauté internationale, au travers des réformes constitutionnelles intégrant théoriquement la donne démocratique, mais prolongeant pratiquement les mandats des dictatures en place. La stratégie est très efficace et très subtile non seulement parce qu’elle tire sa légitimité de l’application des nouvelles Constitutions africaines, mais aussi parce qu’en gardant leur position dominante dans la société, et de gagner toutes les prochaines consultations électorales : après les États et les populations, la démocratie et la Constitution sont ainsi à leurs tour pris en otage par les réseaux locaux performants.
Si ce premier usage de la réforme constitutionnelle a pour but de garder les héritiers du parti unique au pouvoir et de préserver leurs avantages, un deuxième usage de la réforme constitutionnelle en Afrique subsaharienne, consiste à rendre le pouvoir et les dictatures héréditaires. En effet, « Eyadema-IIème » qui remplace « Eyadema-Ier », ne succède qu’à « Kabila-IIème» qui remplace « Kabila-Ier » après des manipulations constitutionnelles orchestrées par des élites politiques, économiques et intellectuelles dominantes. L’exil forcé du président de l’assemblée nationale togolaise et la nomination « d’Eyadema- fils » à ce poste dont le titulaire devrait constitutionnellement succéder au défunt président pendant la période transitoire jusqu’au prochain scrutin, est une façon de constitutionnaliser de rendre conforme à la Constitution togolaise), les aspirations héréditaires du pouvoir des élites dominantes actuelles de ce pays. De même, « la Togolité » et « l’Ivoirité » obéissent aux motivations de manipulations constitutionnelles pour préserver ses acquis dans une approche communautaire du pouvoir dont les frontières vont de la famille proche, aux limites territoriales nationales. Après les partis uniques, l’Afrique inaugure t-elle déjà ainsi l’ère des monarchies constitutionnelles ? Il n’est pas exagéré de l’affirmer car le statu quo n’arrange pas seulement les affaires des élites locales au pouvoir, mais aussi des puissances extérieures dont ces élites locales sont les relais. Ces puissances externes préservent aussi leurs acquis par le fait que le pouvoir ne se retrouve pas entre des mains ennemies dont la manipulation serait peu acquise. Ces forces externes respectent alors dans ce cas, le caractère sacré de la souveraineté des pays africains et la non ingérence dans leurs affaires internes. Le troisième usage que les hommes politiques africains font de la Constitution est de l’évoquer pour faire durer un conflit et se maintenir au pouvoir. Le cas le plus récent et la stratégie de rejet du référendum par le Président ivoirien qui conçoit cette modalité comme anti-constitutionnelle. Autrement dit, plusieurs présidents africains par habileté politique, par cynisme dictatorial ou passion morbide du pouvoir, laissent pourrir des conflits en privilégiant des référents et dispositions juridiques là où des référents et des dispositions politiques ont un avantage comparatif pour l’arrêt des hostilités. Au lieu de mettre fin aux conflits par des mesures politiques inédites et conciliantes."

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