« Le processus électoral en Afrique est mis à rude épreuve avec la mise sous tutelle de l’organe chargé d’organiser les élections, le trucage des élections une fois celles-ci organisées, le bourrage des urnes, la falsification des Procès-verbaux, la manipulation des listes électorales, la mauvaise gestion des cartes électorales, l’utilisation des moyens de l’Etat, la caporalisation des médias d’Etat, l’intimidation des opposants. Avec la vague de démocratisation des systèmes politiques jusqu’alors marqués par le monopartisme, le pluralisme a conquis tous ses titres de noblesse et de valeur universelle. Et les élections pluralistes sont devenues une réalité ponctuant la vie politique sur le continent africain. Les échéances électorales de 2015 et 2016 s’inscrivent malencontreusement dans un contexte de violence. La diaspora africaine face aux enjeux du processus électoral du continent. De fait, la résurgence des conflits générés par des contestations violentes des résultats des élections »

" Longtemps, les matches de football ont été les compétitions les plus disputées en Afrique. Des mois durant, des rencontres provoquaient d'interminables débats. Le début des années 90 marque une rupture, avec l'avènement d'élections multipartites. Très vite, la compétition électorale devient le sport le plus populaire. Et ainsi que les connaisseurs s'accordent à le dire, tout comme les matches de football, certaines élections méritent d'être applaudies, d'autres sont de tragiques parodies, mais la plupart se situent entre ces deux extrêmes. Vingt ans après le début de l'ère des élections multipartites en Afrique, et alors que 60 élections (présidentielles, législatives et locales) figurent au calendrier cette année, ces trois tendances persistent. En mars dernier, le Bénin a connu sa cinquième vague d'élections nationales depuis 1991. Le président en exercice, Yayi Boni, a obtenu un second mandat et son parti a conservé la majorité au parlement. En dépit des accusations de fraudes lancées par certains responsables de l'opposition, les observateurs estiment que le scrutin a été juste. Tout comme au Ghana, au Mali, au Sénégal, à l'île Maurice, au Botswana et en Afrique du Sud, les élections dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, longtemps abonné aux coups d'État militaires, sont devenues l'exemple à suivre sur le continent. Ces pays possèdent de nombreux points communs, et notamment une société civile active, une presse dynamique et libre, une commission électorale indépendante, un paysage politique compétitif et un respect largement partagé pour la règle de droit (voir encadré). Les manifestations violentes, avant ou après la proclamation de résultats, y sont peu fréquentes. Et il n'est pas rare que les passations de pouvoir, suite à une victoire de l'opposition, se fassent de manière pacifique. « La plupart de ces régimes sont le fruit de compromis négociés sur des durées relativement longues. La compétition des élites pour le pouvoir se fait selon des règles généralement acceptées » note Achille Mbembe, politologue à l'Université de Witwatersrand à Johannesburg (Afrique du Sud). D'autres élections, en revanche, révèlent une évolution différente. Comme l'a indiqué un ancien président de la République du Congo, Pascal Lissouba, qui déclara un jour qu' « on n'organise pas des élections pour les perdre », de telles compétitions sont surtout des opérations cosmétiques destinées à légitimer le statu quo. Elles se déroulent souvent dans des pays où les mêmes dirigeants sont au pouvoir depuis dix ans ou plus. Il y a quelques mois, avant que les révolutions populaires en Tunisie et en Égypte ne provoquent la chute d'hommes forts, la plupart des élections en Afrique du Nord appartenaient à cette catégorie. Décompte des votes après l'élection de 2006 en République démocratique du Congo. Si certaines élections après guerre ont aidé à promouvoir la démocratie, d'autres ont favorisé la poursuite de la « guerre par d'autres moyens ». Actuellement, une dizaine de pays d'Afrique subsaharienne ont les mêmes dirigeants depuis plus de vingt ans, indique Almamy Cyllah, Directeur pour l'Afrique de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), groupe de réflexion basé à Washington. Ces dirigeants remportent les élections de diverses manières, notamment en supprimant les partis d'opposition ou « en les interdisant, en se comportant de façon à ce que ces partis boycottent l'élection dans son ensemble, en monopolisant les ressources de l'État ou les médias, en intimidant les électeurs ou en fraudant purement et simplement ». Quelque part entre ces deux extrêmes se trouve une majorité d'élections africaines. Bien qu'ayant été entaché par les habituels cas de fraudes et de violences dans plusieurs régions, le déroulement du dernier scrutin au Nigéria, en avril dernier, a été applaudi. Les analystes jugent que l'élection remportée par le président Goodluck Jonathan a été la plus irréprochable que le pays ait jamais connue. Quelques mois auparavant, en Guinée, 52 années de dictature ont pris fin grâce à une élection qui semblait peu probable. Alpha Condé, un opposant de longue date, est devenu le premier président démocratiquement élu depuis l'indépendance. De tels scénarios se reproduiront certainement au cours des élections à venir. « Selon toute probabilité, la plupart de ces pays ne connaîtront pas de changement politique ni d'élections viables dans un avenir proche, pas avant la mort de leur dirigeant actuel et peut-être même pas après, » déclare M. Cyllah àAfrique Renouveau. Dans ces pays, ajoute M. Mbembe, « les élites au pouvoir (...) ont pu, unilatéralement, imposer un rythme à l'ouverture politique. En en déterminant seules les contours, la nature et le contenu, elles ont édicté des règles du jeu qui, tout en sacrifiant aux aspects les plus élémentaires de la concurrence, leur permettent néanmoins de maintenir leur contrôle sur les principaux leviers de l'État et de l'économie."

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