Le Congo au temps des colonies (III) Avant d'accéder à l'indépendance en 1960 et longtemps avant d'être une colonie belge, le Congo fut une colonie portugaise. En effet, en 1483 le roi Alphonse V chargea le navigateur portugais Diogo Cam de partir à la découverte des côtes d'Afrique à la recherche d'une route maritime vers les Indes. En 1484, il découvrit l'embouchure du fleuve Congo et poussa son exploration jusqu'à 22° de latitude Sud. En 1488, Bartolomeu Dias ramena des Noirs d'Afrique du Sud à la Cour où ils seront "civilisés". Ils accompagnèrent ensuite les Portugais afin de faciliter leur implantation au Zaïre, le nom originel du Congo. Vient ensuite la période du "commerce triangulaire" et de la traite des Noirs sur laquelle nous reviendrons. En 1815, la Navy britannique envoya le Capitaine James Kingston Tuckey à la découverte de la source du fleuve Congo. Tuckey ne trouva que des villages coloniaux abandonnés par les Portugais et des missions catholiques moribondes. Il mourut en 1816 à Moanda, futur Kinshasa. Sa mission fut un échec mais raviva l'intérêt des Européens pour l'Afrique Noire. Ensuite les Français commencèrent à explorer l'Afrique. Après deux ans de voyage en Afrique équatoriale, l'explorateur francais Pierre Savorgan de Brazzapublia en 1831 son "Voyage au Congo et dans l'intérieur de l'Afrique équinoxiale". Il recevra la médaille d'or de la Société de Géographie. En1884, de Brazza fonda la ville qui porte aujourd'hui son nom. En 1891, le Congo-Brazza forma l'un des quatres Etats de l'Afrique Equatoriale Française et Brazzaville sera sa capitale. A ne pas confondre avec la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) dont la capitale est Kinshasa. En 1853, Livingstone commença son exploration de l'Afrique et constata que la foi chrétienne survivait encore au Congo (Zaïre) mais que les missionnaires Portugais avaient quitté les lieux. Il suggéra d'envoyer des missionnaires (pasteurs protestants) évangéliser les Noirs. A partir de 1868, les "Pères Blancs" d'obéidance catholique évangélisèrent à leur tour le Congo. Leur oeuvre sera également sociale, assurant l'éducation et les soins de santé des populations locales. Ils installeront des missions jusqu'en brousse, notamment à Tandala, situé dans le nord de l'Uélé. Développement du Congo A l'inverse des Portugais ou des Anglais, les Belges n'ont jamais eu d'expérience coloniale. Ils ont bien tenté de coloniser Manhattan au XVIIemesiècle (Peter Stuyvesant et ses lieutenants Wallons et Flamands), puis Santo Tomas au Guatemala en (1841) et les Etats américains du Wisconsin, d'Illinois, de Pennsylvanie et la Louisiane mais rien à l'échelle d'un pays. Ils se sont donc organisés autour des projets d'implantation et industriels de Stanley et calqué leur tenue tropicale sur celles que portaient les Anglais de la Compagnie des Indes. L'Acte de Berlin de 1885 fixa les règles d’occupation des nouveaux territoires sur les côtes de l’Afrique. Le Portugal conserva l'enclave de Kabinda (le Kasai oriental) et ainsi que nous l'avons vu reconnut l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C.). Après discussions, la Belgique finit également par reconnaître cet Etat. La Conférence de Berlin autorisa également le roi Léopold II de Belgique à y percevoir des droits à l'exportation. Les atrocités du système léopoldien (1891-1906) Dès 1884 le roi Léopold II envoya des ingénieurs prospecter les ressources du Congo. Leur mission s'avéra assez difficile car ils devaient être encadrés par des militaires qui durent se battre avec des trafiquants et des braconniers. Assez rapidement la Belgique découvrit deux ressources : d'abord l'ivoire qui allait alimenter jusqu'à 85% du commerce mondial, ensuite le caoutchouc (le latex) mais dont l'exploitation inhumaine fera grand bruit jusque dans les années 1920. On y reviendra. En 1891, la souveraineté du roi Léopold II et de son monopole sur le Congo (E.I.C.) entra en vigueur jusqu’en 1906, permettant à la Belgique d’exploiter directement les ressources de ce pays à son profit ainsi que de percevoir l’impôt en nature. Une "Charte Coloniale" entra ensuite en vigueur à partir du 18 octobre 1908, fondant la base de l’organisation politique du Congo belge et la nature des relations entre ce pays et la Belgique. Malgré l'oeuvre pacifique et parfois même scientifique ( ethnologique) des "Pères Blancs" et l'opinion négatif des Européens à l'égard de toute forme d'oppression des indigènes, l'asservissement des Noirs sera encouragé par le gouvernement belge, officiellement pour "développer le Continent Noir", mais nul n'était dupe, il s'agissait en fait pour la Belgique d'en tirer comme d'autres pays sans scrupule, toutes les richesses à son profit. Ainsi protégée par un cadre légal, loin des regards désapprobateurs, entre 1885 et 1908 la Belgique réduisit au travail forcé des millions de Congolais dans la brutalité. Les Français seront tout autant visés par le travail forcé des Noirs au Congo-Brazza.

L'esclavage en Afrique et dans le monde arabe (II)
L'Afrique a longtemps été ignorée par l'homme Blanc et les spéculateurs fonciers. Les premiers Européens qui visitèrent l'Afrique furent les Portugais. Le 13 juin 1415, Henry le Navigateur, prince du Portugal, embarqua pour une expédition le long des côtes de l'Afrique. En 1420, il atteignit le Sierra Leone. Son aventure marqua le début de l'hégémonie portugaise en Afrique de l'Ouest, connue à l'époque sous le nom de Côte d'Or car les marchands y échangeaient de l'or contre du poivre.
En 1441, les Portuguais kidnappèrent plusieurs nobles africains qui, pour regagner leur liberté, leur offrirent des esclaves Noirs en guise de rançon. Trois ans plus tard, les premiers esclaves Noirs furent vendus au Portugal.
On estime que 150000 Noirs transiteront ainsi par le port de Lisbonne entre 1450 et le premier voyage de Christophe Colomb en Amérique (1492).
En 1482, le capitaine portugais Dom Diego Cao atteignit l'embouchure du fleuve Congo. Il remonta le fleuve sur quelques kilomètres à la recherche de débouchés et d'ivoire. Il revint au pays avec quatre Congolais qu'il présenta au roi. Il repartit ensuite au royaume du Kongo avec un émissaire appelé Roderigo de Souza accompagné de plusieurs missionnaires catholiques pour y prêcher la Bonne parole. Ils seront rejoints en 1549 par des pères Jésuites.
Les explorateurs européens ne s'enfonceront pas au coeur du Continent Noir avant la seconde moitié du XIXemesiècle et les expéditions de Brazza, Livingstone et Stanley.
Arabes et Portugais développèrent donc parallèlement la traite des Noirs en Afrique. Mais les Noirs eux-mêmes sont également responsables de cette traite. En effet, plusieurs traditions expliquent le développement de l'esclavage en Afrique.
L'esprit de caste
Jusqu'au XIXemesiècle la seule richesse de l'Afrique Noire était ses hommes et ses femmes. A l'instar des guerres tribales ou ethniques d'aujourd'hui (Cf au Soudan, en Ethiopie, au Congo, etc), les conflits entre royaumes alimentaient un trafic de prisonniers qui furent vendus comme esclaves à tout acheteur qui se présentait, qu'il s'agisse d'une autre tribu, des Arabes ou des Portugais.
On ne comprend réellement la société africaine, animiste, chrétienne ou musulmane, que si on réalise que cette société n'est pas fondée sur les mêmes principes qu'en Occident (démocratie, industrialisation, capitalisme, etc). La société africaine (primitive, car cela évolue) était très hiérarchisée, agricole, fondée sur des traditions séculaires où l'esprit de caste organisait toute la société. Ainsi, en Afrique du Nord les serviteurs devaient servir les nobles à l'image de la relation de servitude du Moyen-Age entre serf et seigneur.
On comprend mieux ainsi pourquoi il n'y a pas si longtemps encore des gens comme Bokassa (Rép.Centrafricaine), Mobutu (Zaïre), Idi Amin Dada (Ouganda) et consorts sont montés sur le trône de leur pays. Membres de castes nobles, ils furent un temps appréciés jusqu'au jour où leur peuple comprit que ces personnages ne se sentaient nullement redevable envers eux.
Targuy et son méhari dans le Massif de l'Aïr à Timia au Niger. Document A.Aubert.
Dans le respect de l'esprit de caste, au Nigerpar exemple les nobles étaient dispensés de tout travail manuel, une activité réservée aux esclaves noirs. Cet esclave était rattaché à la famille de son maître qui le considérait comme un fils. L'esclave ne pouvait pas avoir de famille ni hériter d'aucun bien. Mais il pouvait se marier si son maître payait sa dot. Ses enfants appartenaient au maître de son épouse. A la mort de l'esclave, tous ses biens revenaient à son maître. L'esclave pouvait être vendu ou échangé et même faire partie de la dot d’une fille de la noblesse.
Tant les habitants de Zinder (Damagaram, la capitale du Niger jusqu'en 1926), que les Touareg (Targuy au singulier) habitant au Nord ou les Mangas Maikoréma Zakari habitant l'Est du pays ont toujours pratiqué l'esclavage. Ils ne reconnaissent toujours pas cette pratique, mais le terme "iklan" par exemple qualifie bien un esclave en tamasheq, la langue Touareg.
Des documents administratifs attestent cette pratique. Les "iklans" d'origine soudanaise étaient préposés à la garde des troupeaux. Chez les Mangas Maikoréma Zakari, le Muniyoma, roi du Munyo et maître absolu avait instauré une taxe. Outre le prélèvement d'une fraction de la récolte, chaque homme devait lui payer 2000 cowries (cauris) par esclave et 1000 cowries par adulte ou par tête de bœuf. Lors des ventes aux enchères, un esclave adulte pouvait se négocier jusqu'à 40000 cowries, une jeune fille nobile jusque 100000 cowries !
Cette société était également raciste. Les nomades Touareg et Mangas s'alimentaient en esclaves tout d'abord grâce à la traite organisée à partir du Soudan puis, à partir du XIXemesiècle par le rapt de personnes isolées issues des peuples sédentaires du Sud (Mali, etc). Au début les esclaves pouvaient s'acquérir soit par le commerce soit par le troc.

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