Élection Présidentielle en Ouganda : En cas d' échec le président sortant Yoweri Kaguta Museveni peut il céder la clé dela présidence ? Voici ses propos ici « Si je perds l'élection, je quitterai le pouvoir. J'ai du travail qui m'attend à la maison, des vaches à garder »... Yoweri Museveni, qui ne manque pas un trait d'humour - surtout devant un parterre de représentants de la communauté internationale, ou un propos fleuri lors d'une tournée dans les campagnes ougandaises, est en course ce jeudi 18 février 2016 pour un nouveau mandat, le cinquième.

Museveni fait face à sept candidats, dont Kizza Besigye, qualifié d'opposant historique, défait au premier tour lors des trois derniers scrutins (2001, 2006, 2011), et l'ancien Premier ministre et ancien cacique du pouvoir Amama Mbabazi...
Museveni, 71 ans aujourd'hui, c'est le condensé de l'histoire d'une Afrique révolutionnaire, marxiste, forgée dans le maquis, le bush, dans les années 1980 et convertie au capitalisme et au libéralisme dans les années 1990. Quelle capitale occidentale n'a pas célébré, fait les yeux doux au bon élève du FMI, lequel de surcroît s'est investi dans la lutte contre les shebab en Somalie ? Kampala s'est en effet imposé comme un acteur régional incontournable, à la faveur de son engagement ferme dans la force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom). Museveni a su mener cette realpolitik et éviter que la communauté internationale ne se mêle de trop près de sa gestion interne, devenue au fil des ans très policière. « Mis à part quelques incidents isolés, la campagne a été largement paisible », affirme le porte-parole de la commission électorale, Jotham Taremwa. La présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a de son côté appelé ce mercredi «au calme et à l'ordre, pendant et après » les élections. L'opposant de toujours Kizza Besigyea la dent dure : « Le pouvoir a révélé sa vraie nature, c'est un homme vaniteux », dit le médecin. Réponse de Museveni : « Ce serait une bêtise de confier le pouvoir à ces menteurs (...) Les leaders de l'opposition sont des menteurs. Ils ne font que parler ». Les deux hommes ne se connaissent que trop bien: Kizza Besigye a été le médecin personnel de Yoweri Museveni pendant la période de maquis. Le 29 janvier 1986, après 5 ans de lutte armée et de bush, Museveni à la tête de la National Résistance Army, entre victorieux, fier, théâtral dans Kampala. Il a 42 ans. Kizza Besigye, le fidèle médecin, n'est pas loin. Besigye n'a alors que 30 ans. Plein d'admiration pour le tombeur du despote Milton Obote. L'Ouganda est dévasté par une longue guerre civile et Museveni incarne la rupture.
Des idéaux révolutionnaires, de justice sociale, de justice tout court, lient Museveni et son médecin personnel. Très vite, Yoweri Museveni interdit le multipartisme, avant de le réintroduire en 2005. Très vite, le marxiste devient le chou chou du capitalisme et du FMI. L'Ouganda des années 1990 est alors le bon élève qui rime avec croissance, fait naître une classe moyenne. Kizza Besigye prend ses distances et, acte de rupture par excellence, se présente à la présidentielle de 2001... 2001, 2006, 2011... A chaque fois Besigye terminera bon deuxième. Le médecin dénonce un système politique malade, gangréné par l'argent... Et l'abandon des promesses faites lors de la prise de Kampala.
L'Ouganda de Museveni restera marqué par une corruption endémique, une absence de séparation des pouvoirs et des violations récurrentes des droits de l'homme. Parfois, quand le « vieux » en fait trop, la communauté internationale ouvre un oeil et lève le ton. Tel fut le cas sur les libertés sexuelles et la loi contre les homosexuelsà laquelle tenait régime... Le chef de l'Etat semble cependant n'avoir que faire des critiques de la communauté internationale.
Le poids des jeunes
La jeunesse, elle, est désenchantée. Elle a depuis longtemps fait son deuil des promesses du président Yoweri Museveni. Le président ougandais n'a pas réussi à créer les emplois nécessaires à une population en pleine expansion, malgré une réelle croissance économique. Pendant les années 1990 et 2000, le pays connaît une croissance de 7% en moyenne, l'une des plus élevées du continent. Mais cette croissance a ralenti ces dernières années pour s'établir à 4,8% en 2014, selon la Banque mondiale, et n'a pas eu l'impact escompté sur l'emploi, avec un taux de chômage chez les jeunes estimé à entre 60 et 80%. Cette jeunesse n'a pas connu les années Idi amin Dada, Obote, les « années desposte », sanglantes... Elle n'a connu que les promesses et le chômage. Vont-ils grossir les rangs des abstentionnistes ou voter pour l'opposition?
Le chapeau rond aux bords larges, toujours sur la tête, Museveni le cabotin s'interrogeait tout haut ces jours-ci: « Ce vieil homme qui a sauvé le pays, comment voulez-vous qu'il parte ? Comment pourrais-je quitter une bananeraie que j'ai plantée et qui commence à donner ses fruits ? ». Pour cette présidentielle, Yoweri Museveni ne manque pas d'atouts: il a entre ses mains le tout-puissant Mouvement de Résistance nationale (NRM) et ses ressources financières, sans commune mesure avec celles de ses opposants, ainsi qu'un réseau tissé dans les campagnes, moins frondeuses que Kampala la ville. Pour nombre d'observateurs, Museveni est l'image caricaturale de l'autocrate qu'il dénonçait dans les années 1980, alors dans le maquis... C'est l'homme qui place son fils à la tête des forces spéciales, nomme son frère à la tête de l'armée, désigne sa femme comme ministre...

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