Matière premier du continent Afrique : Dans une certaine mesure, elle contribue à la compréhension des trajectoires chaotiques des États tels la R. D. Congo ou la République centrafricaine, où les groupes armés sont financés par les trafics d'or et surtout de diamants. Elle pourrait même aider à expliquer, en partie, la dynamique de la Russie, par ailleurs engagée actuellement dans un bras de fer sur fond de soupçon de corruption, avec la Biélorussie autour de Uralkali, le numéro un mondial de la potasse. Toutefois, cette dimension des ressources naturelles n'est pas déterminante. De plus, érigée en fatalité, elle devient contreproductive, car d'une part, elle minore la place stratégique des matières premières, notamment minérales, dans la constitution et le maintien de toute économie moderne.

Aujourd' hui les africains sont des pauvres jusqu' en quatre vingt %. Plus fondamentalement, contrairement à l'argument de la dématérialisation des économies les frontières technologiques et industrielles actuellement objet de toutes les attentions des Grandes puissances (énergie verte aéronautique, satellites, télémédecine, électronique avancée, drones, véhicules électriques et hybrides, scanner, radar, laser, téléphones portables et ordinateurs portables, écrans plats...), dépendent de la disponibilité d'une série de matériaux stratégiques parmi les plus rares: antimoine, béryllium, cobalt, gallium, germanium, graphite, indium, magnésium, platinoïdes, (métaux du groupe platine), niobium, terres rares (plus de quinze substances), tantale, tungstène.
Par conséquent, les minéroconflits observés à travers le monde, notamment à Marikana en Afrique du sud, ne traduisent pas une "malédiction des ressources minérales" mais plutôt la conjugaison d'une configuration et d'une dynamique conflictogènes.
D'un côté, un monde dont la pression démographique génère des demandes de ressources en quantités exponentielles face à un nombre réduit d'acteurs et d'États producteurs parfois monopolistiques et aux productions souvent parcimonieuses. De l'autre, des activités technologiques et industrielles qui requièrent des variétés minérales en constante augmentation et souvent insubstituables, alors que leur indisponibilité pourrait paralyser des secteurs entiers de l'économie.
En témoigne, la paralysie, bien que relative, en 2010, d'une partie non négligeable des industries de pointe du Japon, consécutive à l'interruption par Pékin des livraisons des terres rares. Ces conflits traduisent donc largement les convoitises et les rivalités nationales et internationales pour le contrôle d'indispensables ressources rares.
Aussi, l'une des voies les moins incertaines pour une sécurité collective dans un monde de rareté et d'interdépendance revient-elle à considérer les ressources minérales comme une chance pour un développement partagé. Cette voie consisterait à s'inspirer du "miracle européen" de la Ceca pour mettre en place des communautés de coopération industrielle internationale au moyen de "réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait". Elle pourrait notamment se traduire à l'égard de la zone Europe-Afrique par la création d'une Communauté euro-africaine pour l'acier (CEAPA ou l'Eurafrique de l'acier).
D'une part, celle-ci permettrait de créer des aciéries en Afrique en coopération avec les sidérurgistes européens, dont les activités sont actuellement en berne en raison de la forte spécialisation des économies européennes. En effet, le rôle primordial des matières premières minérales dans la prospérité et la puissance des États est historiquement établi sur tous les continents. En Europe, il ne rappelle pas uniquement le berceau de la révolution industrielle en Angleterre, véritable "montagne de fer et de charbon", et autour de la région du Rhin. Il s'observe encore notamment en Allemagne ainsi qu'en Suède, qui demeurent de grandes puissances minérales et métallurgiques, en dépit de l'importance du secteur des hautes technologies dans leurs économies. De même que ce facteur n'est pas étranger à l'autre relatif îlot de croissance économique de l'Union européenne, la Pologne.
Le rôle clef des ressources minières est encore plus extraordinairement démontré par la mobilisation d'essences naturelles qui précéda l'existence des États-Unis, dont l'irruption révéla des niveaux de consommations sans précédent. Il se manifeste au Chili, premier exportateur mondial et détenteur des principales réserves planétaires de cuivre. Il est également prépondérant en Australie, grand exportateur de fer, bauxite, uranium diamants. Ceux-ci contribuent par ailleurs significativement à la prospérité économique d'Israël en tant que l'un de ses premiers produits d'importation et d'exportation.
De même, indépendamment des importations massives de la Chine, celle-ci aurait difficilement opéré sa révolution industrielle sans son monopole ou son quasi-monopole sur la production et la consommation de nombre de minerais et métaux (charbon, tungstène, étain, antimoine, graphite, terres rares, or, plomb, zinc...).
Même l'Afrique, qui incarnerait la malédiction des matières premières, connaît aussi des dynamiques positives, bien qu'elles soient minoritaires. Elles ne sont pas exclusivement portées par le cas singulier de l'Afrique du sud, où l'industrialisation s'opère au lendemain d'une révolution minérale exceptionnelle. Elles caractérisent le Botswana, premier ou deuxième exportateur mondial de diamants, véritable "Suisse de l'Afrique", doté d'institutions démocratiques et globalement dépourvu de corruption. Dans une large mesure, elles se manifestent également au Maroc, dont l'émergence industrielle et la diversité économique découlent, largement, de sa position quasi-monopolistique sur le marché mondial des minerais stratégiques de phosphates.

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