RDC le président Joseph Kabila serait-il l’homme fort de la sous-région ? Il s’agit de la réflexion critique, signée par un pseudonyme, d’un officiel de la MONUSCO, la mission des Nations unies au Congo démocratique, sur l’attitude et les choix des acteurs internationaux de la crise congolaise. Tout en remettant en question pas mal d’idées reçues, le texte jette une lumière troublante sur les relations de Kinshasa avec ses partenaires et pose des questions brûlantes sur l’avenir d’un pays qui n’arrive pas à sortir d’une zone de hautes turbulences. RDCongo. Quand la Communauté Internationale comprendra-t-elle (ou mieux, acceptera-t-elle) la situation de la République démocratique du Congo ?

En interne, le système de Kabila est basé sur la courtisanerie, comme malheureusement la plupart des systèmes de pouvoirs en Afrique, mais pas seulement. Le Président a créé un système de patronage et de clientélisme dans lequel même les ténors du régime, faucons comme colombes, s’inclinent…
Mais qui est Kabila réellement ? Quelles sont les caractéristiques que lui permettent de rester au pouvoir depuis 14 ans avec l' appui des grandes puissances occidentaaux ?
Le personnage arbore l’attitude de la victime pour camoufler sa vraie nature qui est celle d’un tyran. Il a la capacité d’avaler sa dignité et d’attendre les bons moments. Il est d’une intelligence différente de celle normalement reconnue aux hommes politiques.
Le seul fil qui l’unissait à son peuple c’était la haine vis-à-vis de Rwanda, grâce au discours mobilisateur contre les rébellions peu ou prou soutenues par le voisin oriental de la RDC. Depuis la fin de la rébellion du M23, ce discours ne fonctionne plus et les ponts se sont rompus entre Joseph Kabila et les Congolais. Pour essayer de renouer ces liens, il recourt aux expédients, comme cette visite en Guinée équatoriale pour voir l’équipe nationale de football engagée dans la campagne de la CAN, plutôt qu’assumer son rôle de chef d’Etat en participant au sommet de l’Union Africaine, ou en rendant visite aux victimes des violences à Aru, en Ituri. Peut-être même que sa présence n’était pas nécessaire au sommet de l’UA.
La force du président congolais ne réside donc pas dans l’intelligence mais dans le caractère. Ce ne sont pas les aptitudes qui font sa différence mais les attitudes (un caractère volontiers mystérieux, des manières indéchiffrables, etc.).
Il n’impressionne pas sur les aptitudes mais il sait très bien ce qu’il faut faire avec tous les gens aux beaux discours. Et il continue à nous le démontrer…
On ne peut pas négocier avec lui car il négocie seulement quand il est en état de faiblesse. Il est aussi vindicatif.
Il est également intéressant de noter que Kabila est arrivé à bien se servir de l’un des héritages du système Mobutu où le peuple ne lui demande rien en termes des services, conformément à ce fameux et célèbre « Article 15 1 » bien connu des congolais et trop bien approprié par eux et passant de génération en génération. Généralement, en tant que Communauté internationale, nous nous retranchons derrière une analyse simpliste fondée sur une perspective biaisée de "supériorité occidentale", une perspective qui permet à la RDC de jouer son rôle de victime vis-à-vis de l’extérieur du pays dans les grandes instances internationales. Au niveau interne, par contre, le discours, porté généralement par Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, est sur un autre registre : il est beaucoup plus fanfaron, plus arrogant et utilise un ton à la limite de l’injure, apprécié par certains Congolais.
La RDC a donc fait une campagne de séduction vis-à-vis de la Communauté internationale et des chancelleries occidentales par le biais de certains acteurs comme le premier ministre Matata Ponyo ou d’autres qui jouent le rôle des colombes. Le pays s’est confortablement mis dans la position de victime et a joué le rôle du pays "sans orgueil" qui doit être soutenu par la Communauté internationale pour pouvoir survivre. Cette posture dure aussi longtemps que le pays a besoin d’appui sans condition.
Dès que la crise est passée, les faucons prennent le relais et le discours change. Le pays passe magistralement d’un registre à l’autre. Une stratégie qui lui a, entre autres, permis de convaincre la Communauté internationale de considérer le M23 -une opposition politico-militaire qui occupait une petite portion de territoire en dépit de ses postures et de ses déclarations- comme un groupe militaire à combattre en priorité et à mettre sur la liste noire des Nations Unies. La RDC est arrivée (avec peut être l’appui des quelques états européens complaisants…) à faire mener une guerre à sa place, tout en réussissant le tour de force de se faire passer pour le vainqueur militaire. De plus, elle est arrivée à faire passer en deuxième plan les FDLR -le groupe extrémiste rwandais dirigé par anciens responsables du génocide de 1994- et à faire combattre le M23 qui était la seule et réelle opposition aux mêmes FDLR en RDC. La raison même de la création du M23 a été le non-respect des accords de Ihusi qui, comme les actes d’engagement de Goma de 2008, avaient comme l’un des points principaux la lutte aux FDLR.
Ce "double jeu" fonctionne très bien au sein du système, même dans le contexte de la crise actuelle de l’après 19 janvier : les colombes déclarent n’avoir pas été impliquées dans les diverses décisions impopulaires (coupure de l’internet, interdiction des sms, arrestations des opposants, etc.), rejetant la responsabilité sur les faucons. Et, fidèle a lui-même, Kabila se mure dans le silence et règne. Kabila est totalement à la manouvre sur les deux facettes et il est le chef d’orchestre de ce double jeu.

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