Dossier santé : politique coloniale de lutte contre le paludisme. Cas de l'ancienne province de Léopoldville (1888-1960). Les maladies ont de tous temps marqué l'histoire des sociétés humaines, avec leurs lots de bouleversements, elles sont indissociables de l'évolution de l'espèce humaine1. Cette question est d'autant plus importante au regard des répercussions que ces maladies entrainent dans la vie de l'homme. De ce fait, l'historien GRMEK pense que «les maladies revêtent une importance primordiale en tant que phénomène affectant la vie économique, les mouvements démographiques et les moeurs»2. L'histoire de la santé et des maladies a été longtemps perçue comme un secteur sous-analysé, un terrain en friche en Afrique3car durant longtemps les aspects politiques, économiques et démographiques ont été mis en avant par les historiens4. Cette affirmation est confirmée par l'historien BERTSHY, S., qui constate le caractère tardif et épars des recherches proprement historiques des maladies.

Pour bien comprendre certains problèmes socio-économiques que connaissent beaucoup de peuples des pays africains sont des pauvres, en ce jour. Les questions de santé doivent être prises en compte. L'importance d'une telle affirmation réside dans le fait que le facteur« santé »constitue à lui seul un phénomène important qui influe sur l'économie et les mouvements démographiques.
Ces faits méritent bien d'être approfondis pour bien comprendre l'évolution des sociétés africaines, car beaucoup de perturbations socio-démographiques que connait actuellement l'Afrique peuvent être justifiées par la permanence des fléaux naturels tels les sécheresses, les famines et particulièrement les épidémies qui participent grandement à la mortalité élevée de ces régions9.
Dans cette optique, la santé est considérée comme un critère du niveau socioéconomique d'un pays10. En outre, il n'y a pas de croissance économique sans le travail entendu comme moteur du développement dans la mesure où le bien-être général prédispose la population à participer et à contribuer efficacement au progrès d'un pays11. Or, une population ne peut travailler si elle n'est pas en bonne santé. Et le paludisme se trouve être parmi les affections qui semblent dominer dans le tableau de la morbidité dans la plupart des pays pauvres.
En effet, parmi les maladies les plus meurtrières en Afrique, le paludisme figure au premier plan. Cette maladie s'avère être non seulement la première grande endémie
8 DELAUNAY, K. << Faire de la santé un lieu pour l'histoire de l'Afrique : essai d'historiographie » inLa santé et ses pratiques en Afrique : enjeux des savoirs et des pouvoirs, XVIIe - XXe siècles,p. 8.
9NKUKU, K., Santé et population de Kinshasa. Quelques perspectives historiques depuis la fin du 19esiècle, p.1.
10GRUENAIS M.-E. et POUTIER R., << La santé pour tous en Afrique : un leurre », dans :Afrique Contemporaine,(2000)195, p. 5.
11TABUTIN, D., et al. << Mortalité et santé » in SHOUMAKER, B., TABUTIN, D. et
MASQUELIER, B., l'Afrique face { ses défis démographiques. Un avenir incertain,2007, p. 122.
parasitaire en Afrique subsaharienne, mais également la plus meurtrière12. Cette
maladie se manifestant aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines, est
considérée à la fois comme une maladie des pays pauvres et comme cause de pauvreté13.
Actuellement, d'après les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé, il existerait entre 300 à 500 millions de personnes atteintes chaque année de cette maladie dont la moitié toucherait des enfants de moins de cinq ans14. C'est en Afrique subsaharienne que l'on retrouve 90% des décès dus au paludisme, soit plus d'un million de décès par an. Cette situation s'explique notamment par une politique de santé publique presque inexistante, une hygiène de vie précaire, un environnement insalubre et un manque de moyens financiers et logistiques nécessaires15. Cette situation d'urgence implique nécessairement.
Retard qu'il attribue d'une part au fait ques'engager dans une recherche historique sur les maladies suppose des connaissances techniques préalables, notamment en médecine, en biologie, écologie5, etc. Pourtant, ce continent offre toute une possibilité d'étude dans ce domaine. En effet, de tous les maux auxquels la population africaine doit faire face, la question des maladies occupe la première place et ne cesse d'alimenter de nombreux débats. L'étude des maladies qui affectent la population africaine trouve son importance du fait que les
1RAOULT, D., « Épidémies et maladies infectieuses dans l'histoire », inLes Café Histoire-Actualité, p.3.2GRMEK, M.D., « Préliminairesd'une étude historique des maladies », inEconomies-Sociétés-Civilisations, XXIV(1996)6, p. 1474.
3BERTSHY, S., « La santé en Afrique, un objet d'histoire marginalisé ? Bilan et perspectives de recherche », in2èrerencontre du Reseau des études africaines en France, 2006, p. 1-5.
4SENDRAIL, M.,Histoire culturelle de la maladie, Paris, éd. Javot, 1948, p. 13.
5BERTSHY, S.,Art.Cit, p. 3.
maladies sont responsables non seulement du taux élevé de mortalité au sein de la population, mais aussi elles contribuent au faible développement du continent. Face à ce constat, E. M'BOKOLO appelait à des recherches qui «ne se contenteraient pas de faire l'histoire des maladies mais se préoccuperaient aussi de situer la place de ces maladies dans l'histoire et dans leur rapport avec les facteurs économiques, sociaux et démographiques »6.A cet effet, l'une des maladies causant le plus de ravages en terme économique et démographique en Afrique au Sud du Sahara s'avère être le paludisme.
Déjà, dès le début de la colonisation au XIXe siècle, le paludisme suscita un vif intérêt de la part des autorités coloniales non seulement parce qu'il fut l'un des obstacles à la pénétration européenne et à la conquête coloniale7, mais aussi à cause des victimes qu'il faisait en terme de mortalité et morbidité dans une Afrique considérée comme« tombeau de l'homme blanc ».

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