Le projet d' énérgie du Kivu Watt repose sur une centrale électrique située sur les rives du lac Kivu à Kibuye, petite ville de l'ouest du Rwanda et sur une plateforme qui flotte sur le lac à 13 km de la rive.

"Le lac Kivu est un lac à problème (…) dans lequel on trouve du dioxyde de carbone en volume assez important et du méthane (…) un gaz qui peut servir de détonateur à une éruption limnique, une remontée des eaux profondes chargées en gaz mortel qui se répandrait alors dans l’atmosphère", explique Matthieu Yalire, chercheur à l’Observatoire volcanologique de Goma, sur la rive congolaise du lac.
Avec ceux de Nyos et de Monoun au Cameroun, le lac Kivu est l’un des trois lacs au monde renfermant de très fortes concentrations de gaz. Sur ses 2 370 km2, il contient selon les estimations, quelque 60 km3 de méthane dissous et environ 300 km3 de dioxyde de carbone (CO2).
"En 2002, une éruption du Nyiragongo avait laissé craindre un bouleversement de la stratification (disposition des couches d’eau) du lac, susceptible d’entraîner une remontée des couches chargées en gaz. Pour l’instant le lac est stable mais pour combien de temps ?", relève Matthieu Yalire, qui estime qu’extraire le méthane permet de stabiliser le lac.
Selon des estimations alarmistes, une catastrophe du type de celle du lac Nyos qui, en 1986, avait tué plus de 1 700 habitants asphyxiés par du CO2, pourrait faire jusqu’à deux millions de morts autour du lac Kivu. Pour Martin Schmid, chercheur à l’Institut suisse de recherche sur l’eau et les milieux aquatiques (Eawag), "il est essentiel d’extraire le gaz du lac, au moins à long terme (…) si on laisse les gaz s’accumuler pendant une longue période, il faudra s’attendre à un moment à une éruption catastrophique de gaz". Méthane, source d’énergie commercialisée ?
Mais cette concentration explosive de méthane fait aussi du lac Kivu le seul au monde où ce gaz peut être exploité commercialement. À Karongi, sur la rive rwandaise, au pied des collines verdoyantes parsemées de bananeraies, l’entreprise américaine ContourGlobal, spécialisée dans la construction et la gestion de centrales électriques, finalise les préparatifs du projet KivuWatt qui vise à transformer la menace en aubaine et le gaz mortel en source d’énergie commercialisée.
Des centaines d’ouvriers s’affairent autour d’une plateforme qui, d’ici fin 2014, sera installée sur le lac, d’où elle aspirera le méthane piégé dans les profondeurs.
Sur sa rive Nord, près de la localité de Rubavu, un projet-pilote du gouvernement rwandais produit déjà 2MW d’électricité à partir du méthane lacustre. Mais le projet KivuWatt est d’une toute autre ampleur. Sa première phase prévoit de générer 25 mégawatts (MW) destinés au réseau local puis, à terme, 100 MW, distribués dans l’ensemble du pays, soit permettant de quasiment doubler la capacité de production actuelle du Rwanda, d’environ 115 MW. Le Rwanda a officiellement inauguré ce lundi 16 mai la centrale KivuWatt de l'entreprise américaine ContourGlobal qui a commencé à produire 26 MW d'électricité à partir du méthane contenu dans le lac Kivu, à la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo. Le lac Kivu est le seul au monde dont la concentration en gaz est suffisamment importante pour être exploitée commercialement. Le projet est donc une installation unique au monde qui transforme une potentielle menace mortelle en une source d'énergie et doit à terme augmenter de plus de 60% la capacité de production d'électricité du pays. L’électrification du pays est un des objectifs du gouvernement rwandais qui veut que d’ici 2017 70% de sa population ait accès à l’électricité contre seulement 18 % aujourd’hui. Le méthane va aussi permettre de remplir un autre objectif : Sur le continent africain dans son ensemble, aucun pays n'y échappe. La question clé, celle qui conditionne le développement, c'est la question énergétique. Sans électricité, pas de création de richesse et pas de développement. C'est en particulier le cas au Rwanda, où seule une minorité bénéficie d'un raccordement au réseau électrique. Cette plateforme pompe à plus de 300 mètres de profondeur de l'eau à forte concentration en gaz méthane et en dioxyde de carbone. Le méthane est ensuite isolé puis acheminé vers la centrale qui le transforme alors en électricité.
L’installation qui produit depuis fin décembre 26 mégawatts a été inaugurée ce lundi en présence du président rwandais Paul Kagame.
Sept ans d'efforts ont été nécessaires à ce projet. Et 200 millions de dollars issus de capitaux privés, mais aussi de prêts d'institutions internationales d'aide publique au développement, dont la Banque africaine de développement (BAD). ContourGlobal prévoit désormais de construire au moins deux autres plateformes afin d'augmenter la capacité de l'installation à environ 100 MW.
Outre la manne économique, le pompage du méthane permet aussi sur le long terme de faire baisser la concentration en gaz du lac et ainsi d'éviter selon les spécialistes une potentielle brusque remontée à la surface d'une grande quantité de CO2 et de méthane. Une catastrophe qui pourrait mettre en péril la vie des quelque deux millions de riverains du lac Kivu.

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