Voie lactée : l'archéologie galactique progresse en attendant Gaia Et si les orbites et la composition chimique précise des étoiles de la Voie lactée gardaient en mémoire l’histoire de notre galaxie ? Ce devrait être le cas et la mission Gaia, lancée en 2013, devrait apporter son lot de révélations. En attendant, des astrophysiciens ont isolé une population de vieilles étoiles dans le bulbe central qui pourrait bien en dire long sur son histoire primitive.

Lancé le 19 décembre 2013, le satellite Gaia, de l’Agence spatiale européenne ( Esa), a déjà effectué une première campagne complète d’observation. Le premier bilan de ses mesures, et donc des découvertes qui vont avec, est attendu à la fin de l’été 2016. Elles sont d'une précision inégalée et concernent les positions, distances, mouvementset propriétés physiques de plus d’un milliard d’ étoilesde la Voie lactée. En combinant ces données astrométriques, photométriques et spectroscopiques, Gaiapermettra une étude détaillée de notre galaxiepour en savoir plus sur sa structure en trois dimensions, sa cinématique, son origine et son évolution.
En clair, l’un des objectifs scientifiques de Gaia est de nous permettre de faire de l’archéologie galactique. Tout comme les stratesde la Terregardent en mémoire l’histoire de son activité tectonique ou de son évolution chimique, des populations d’étoiles avec des compositions spécifiques doivent garder la mémoire de l’évolution de la Voie lactée, de ses collisionsavec d’autres galaxies – parfois accompagnées de fusions– et des flambées de nouvelles étoiles.
Une vidéo de présentation du satellite Gaia et de sa mission scientifique. © Cnes, YouTube
Quand la Voie lactée n'avait pas de bras
Une publication d’une équipe internationale d’astronomes, sur arXiv, donne un avant-goût de ce que nous révélera Gaia. Les chercheurs ont utilisé le spectrographe AAOmega équipant le Télescopeanglo-australien (AAT pourAnglo-Australian Telescope) situé à l'observatoire de Siding Spring, en Australie, pour étudier de plus près les étoiles du centre la Voie lactée.
Au centre de notre galaxie (une spirale barrée), réside un bulbe. De forme ellipsoïdale, il aurait entre 7.000 et 15.000 années-lumière de diamètre et contiendrait environ 5 % de la matière visible contre 90 % dans le disque et 5 % dans le halo. Il existe toute une théorie pour expliquer la formation de la barre et des bras spiraux dans le gazautogravitant d’étoiles du disque dans la Voie lactée.
Le bulbe contient principalement des vieilles étoiles, qui appartiennent à la population « deux », c'est-à-dire qu’elles sont un peu enrichies en noyaux lourds, ceux formés par la première génération d’étoiles nées dans le cosmos observable. En outre, les orbitessont dispersées autour du centre de la Galaxie et ne sont pas aussi régulières que celles dans son disque. Toutes ces caractéristiques laissent penser depuis un certain temps que la formation du bulbe est très ancienne et que sa structure garde la mémoire des fusions chaotiques de galaxies ayant fait croître la Voie lactée.
Le disque de notre galaxie est bien visible dans l'infrarouge avec cette image du satellite Wise. La majorité des étoiles du bulbe central se comportent comme un bloc cylindrique en rotation. Cependant, une population d'étoiles plus anciennes, sous forme de RR Lyrae, ne se comporte pas de la même façon dans la partie centrale du bulbe de la Voie lactée. Cette population, constituant 1 % de la masse du bulbe, est susceptible d'avoir été l'une des premières parties de notre galaxie. © NOAO/AURA/NSF/AIP/A. Kunder
Regard sur un monde galactique disparu grâce aux RR Lyrae
En scrutant donc plus attentivement ce bulbe, les chercheurs ont mis en évidence une population bien particulière d’étoiles pauvres en éléments lourds, vieilles d’au moins 10 milliards d’années et rassemblées au cœur du bulbe dans une région dont la taille est d’environ 2.000 années-lumière. Il s’agit d’ étoiles variablesbien connues, les RR Lyrae, utilisées comme chandelles standard pour mesurer les distances dans la Voie lactée. Moins massives que les céphéides(qui permettent de déterminer de grandes distances, celles de galaxies proches de la nôtre), les RR Lyrae sont donc plus nombreuses mais moins lumineuses.
Les vitesses de plusieurs centaines de ces astresont donc été mesurées. Cependant, alors que les directions des parcours des orbites sont très similaires pour la majorité des étoilesdans la barre et le bulbe de notre galaxie, ce n’est pas le cas pour ces RR Lyrae. Selon les astronomes, cela indiquerait qu’elles datent vraiment de l’époque où la Voie lactée était en train de se former. Mieux, elles garderaient la mémoire de ce qui s’est passé avant la naissance de la barre de la Galaxie.
L’étude encore plus complète de cette population d’étoiles, notamment en augmentant la taille de l’échantillon et en déterminant les compositions chimiques précises, devrait donc permettre de tirer profit de cette fenêtreouverte sur le passé lointain de la Voie lactée pour mieux comprendre la formation et l’ évolution des galaxies.

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