Olivier Kamitatu : "Le spectre de la burundisation plane sur la RDC.

Olivier Kamitatu, ex-ministre, membre du G7, coalition de partis de l'ex-majorité présidentielle ayant rejoint l'opposition, est un observateur averti de ce qui se joue actuellement en RD Congo.
Ex-ministre, membre du G7, coalition de partis de l'opposition, Olivier Kamitatu tire les leçons du conclave de Genval (Belgique) des 8 et 9 juin derniers. En République démocratique du Congo, l'incertitude plane sur l'élection présidentielle prévue en novembre 2016. La Constitution n'autorise pas Joseph Kabila, qui achève son deuxième et dernier mandat cette année, à se porter candidat à ce scrutin. L'homme aux commandes du pays depuis 2001 n'a pas encore dévoilé ses intentions et ne semble pas prêt à quitter son poste à 45 ans. Il prône un « dialogue » avant la tenue de ce scrutin tant attendu. L'opposition, pour sa part, soupçonne le président d'user de manoeuvres dilatoires pour se maintenir au pouvoir après l'expiration de son mandat.
C'est dans ce contexte que plusieurs dirigeants de l'opposition se sont retrouvés en conclave à Genval, près de Bruxelles, en Belgique les 8 et 9 juin derniers, autour de l'opposant historique Étienne Tshisekedi. Les délégués à ce forum ont rejeté le dialogue convoqué par l'ordonnance du président Kabila depuis samedi 28 novembre 2015. Olivier Kamitatu, ex-ministre, membre du G7, une coalition de partis qui ont quitté la majorité présidentielle pour rejoindre l'opposition, a pris part à ces travaux. Il s'est confié au Point Afrique.
Le Point Afrique : L'opposition congolaise réunie récemment à Genval, à l'initiative d'Étienne Tshisekedi, dit oui au dialogue recommandé par la résolution 2277 de l'ONU et non au dialogue souhaité par Kabila. Quelle différence faites-vous entre les deux dialogues ?
Olivier Kamitatu : Dans sa résolution 2277, adoptée le 30 mars 2016, à laquelle souscrit pleinement l'opposition, le Conseil de sécurité de l'ONU précise notamment que les parties sont invitées à « engager un dialogue ouvert et sans exclusive sur la tenue de l'élection présidentielle conformément à la Constitution ». Nous sommes donc bien loin du dialogue décrété par Joseph Kabila qui ne vise qu'à assortir le glissement, dont ce dernier s'est fait le chantre, d'une légitimité de raccroc après s'être octroyé un décret de la Cour constitutionnelle qui couvre son échec d'une forme de légalité tout aussi boiteuse.
Si le camp de Kabila refuse le dialogue tel que vous l'envisagez, que pourrait-il se passer ?
Le camp Kabila refuse le dialogue. C'est un secret de Polichinelle. Les faits et gestes qui vont au-delà des postures et du cirque politique le démontrent. Pour preuve, l'entêtement de la Ceni à subordonner la publication du calendrier électoral à la tenue du dialogue confirme la capitulation de cette institution devant les pressions de Joseph Kabila et de ses partisans. Pour la Ceni, le dialogue se substitue à la loi fondamentale. Autre exemple, les déclarations publiques du secrétaire général de la majorité présidentielle prétextant la jeunesse de Joseph Kabila pour refuser les élections et le lancement de la campagne de communication sur financement public en faveur du référendum révèlent le choix du camp présidentiel en faveur du schéma burundais. On pourrait multiplier les faits.
Que comptez-vous faire dans ces conditions ?
Devant les risques de chaos, les forces politiques et sociales n'ont aucun intérêt à accentuer la crise et à affaiblir les institutions de la République. Néanmoins, elles constatent qu'à ce stade aucun dialogue n'est possible avec Joseph Kabila. Pour éviter la confusion et rassurer l'opinion publique nationale et la communauté internationale, il suffirait que Joseph Kabila annonce publiquement qu'il ne sera pas candidat aux prochaines élections présidentielles. Or, en lieu et place d'un tel engagement qui réponde à son serment constitutionnel, Joseph Kabila et les siens entretiennent le doute sur le délai du glissement qu'ils anticipent, promettent et préconisent, ainsi que sur la possibilité d'un référendum qui permettrait à Kabila de se présenter tout en respectant la Constitution.
Il appartient au facilitateur d'appeler le président à assumer ses responsabilités en assurant les conditions d'un dialogue tel que préconisé par le Conseil de sécurité et l'ensemble des forces politiques et sociales qui veulent répondre aux aspirations de l'ensemble du peuple congolais à la paix, à la stabilité et au développement. Nous sommes opposés à toute forme de violence. Nous ne faisons pas le choix de la démarche insurrectionnelle. Nous allons user jour après jour de tous les droits que nous donne la Constitution pour faire entendre à Joseph Kabila et à ses partisans que la voix de la sagesse appelle que le chef de l'État prenne la dimension de son échec à organiser des élections dans les délais et à partir dans de bonnes conditions au terme de son second mandat… À l'image du président haïtien.
Pourquoi le G7, dont vous êtes membre, était-il contre le dialogue avant de changer.

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