Vous n’allez pas croire ce que Facebook a (encore) fait à son algorithme. « Quand elle a regardé sous les coussins de son canapé et qu’elle a vu ça… j’étais CHOQUÉE ! »« Il a mis de l’ail dans ses chaussures avant d’aller se coucheret ce qui s’est passé ensuite est dur à croire. »« Le chien a aboyé sur le livreur et sa réaction est vraiment impayable. » Ces trois titres – fictifs – sont des exemples de ce que Facebookne souhaite plus voirsur sa plateforme : le réseau social les a cités, jeudi 4 août, pour expliquerson nouveau changement d’algorithme, destiné à réduirela présence de contenus « attrape-clics » (clickbaiten anglais) dans les fils d’actualité des utilisateurs.

D’un côté, le réseau social apporte aux journaux et télévisions de nouveaux lecteurs, souvent plus jeunes. De l’autre, il augmente leur dépendanceà un canal de distribution, qui s’impose comme un moyen privilégié d’accéder à l’information et capte déjà une grande part des revenus publicitaires numériques. De plus, Facebook peut à tout moment modifierson algorithme, comme si, pour les journaux papier, les kiosques changeaient leurs règles de présentation plusieurs fois par an. Plutôt que détournerles médias des réseaux sociaux, dont l’usage est de plus en plus répandu, la nouvelle décision de Facebook va peut-être les inciterà en coloniserde nouveaux. Le site de divertissement Buzzfeed a ainsi théorisé le fait qu’en étant présent sur Instagram, Snapchat, Pinterest et Twitter, il réduisait en théorie sa dépendance à la plateforme de Mark Zuckerberg. Un défi pour les sites « attrape-clics »
« Ces titres omettent intentionnellement des informations cruciales, ils trompent les gens, les forçant à cliquerpour avoirla réponse »,expliquent les équipes de Facebook dans un billet. Les usagers du réseau socialauraient réclamé« d’avoir des contenus avec des titres qui les aident à décidercomment utiliserleur temps en ligne, sans en perdreen cliquant sur des contenus inutiles ».
En premier lieu, cette décision en réjouira certains, car tout utilisateur de Facebook a pu s’énerver de ces contenus « viraux » aux titres accrocheurs, qui ne donnent pas l’information principale censée êtrerelayée et sont souvent décevants.« Vousallez applaudiren découvrant ce que ces pompiers essayent de sauversans relâche »,promet par exemple une accroche Facebook de ViralNova. Il s’agit en fait d’un cheval, comprend-on quand on clique sur l’article de ce site américain spécialiste du genre, comme l’autre Américain Upworthy,ou d’autres.
L’impact réel de l’annonce de Facebook, qui semble uniquement concernerce type de tournures de phrases, reste à toutefois déterminer. Les titres declickbaitne recourent pas seulement à cette technique du« curiosity gap »,qui consiste à faireunteasingabusif.
Certains sites qui veulent« attraper les clics »,comme les Français Minutebuzzou Gentside, utilisent plutôt des mots accrocheurs, des listes (« 5 choses qui… »). De plus, en réaction à la décision de Facebook, les sites declickbaitvisés vont probablement changerleur façon de titrerafin de contournerl’algorithme, tout en promouvant encore le même type de contenus. Ce qui pourrait amoindrirl’effet recherché par le réseau social.
Un examen manuel de « milliers de titres »
Plus largement, le nouveau changement d’algorithme de Facebook est une démonstration supplémentaire de son influence sur les contenus produits par les sites. Le premier des réseaux sociauxa déjà plusieurs fois modifié son classement des posts visibles par ses 1,7 milliards d’utilisateurs. En 2014, il s’était déjà attaqué aux contenus« attrape-clics »en déclassant les articles sur lesquels les internautes restaient très peu de temps après avoir cliqué.
En juin, il a frappé les esprits en annonçant qu’il privilégierait les publications des particuliers, amis et connaissances, au détriment des contenus de personnalitésou de professionnels comme ceux des sites d’information.
Lire aussi : Facebook modifie les règles de son fil d’actualité pour « favoriser les amis et la famille »
Le changement annoncé jeudi 4 août va un cran plus loin : il ne se fonde pas uniquement sur la nature de l’émetteur du contenu ou sur la façon dont ce dernier est lu, mais il s’intéresse à la syntaxe elle-même. Facebook raconte qu’une de ses équipes a examiné des« dizaines de milliers de titres »,et mis de côté ceux qui semblaient omettreune information importante ou tromperle lecteur. Puis le réseau a déterminé quels sites publiaient ces contenus pour les pénaliserdans son algorithme, les rendant moins visibles.
On pourrait imaginerdes cas où une telle action de Facebook pourrait poserun problème aux médiasou à la société : par exemple si la plateforme disqualifiait les titres avec des questions ou les titres de reportage ou de papier magazine jugés trop elliptiques. Ou les contenus jugés trop anxiogènes.
« L’anxiété » des médias dépendant de Facebook
« Il nous apparaît désormais clairement que ce que nous faisons génère beaucoup d’anxiété. Je passe beaucoup de temps à tenterde calmercette inquiétude », a reconnu Adam Mosseri, vice-président de Facebook chargé du fil d’actualité(« newsfeed »),en référence aux contacts de plus en plus nourris entre les dirigeants de la plateforme et ceux des médias.
Pour les sites d’information, le débat sur les bienfaits et les inconvénients de Facebook devient de plus en plus important. Les médias ont eu, en 2015, à pesers’ils souhaitaient publierdes contenus directement sur la plateforme au formatInstant Articles,afin de rendreleur consultation beaucoup plus rapide sur mobile.

Commentaires