L'éclipse annulaire du 1er septembre 2016 du jeudi dernier, dans les Îles dela la Réunion, et d'Afrique Australe, a permis de mesurer le diamètre de notre étoile du système solaire. Sélon Jean-Yves Prado, spécialiste du Soleil, qui était à La Réunion pour profiter de l'éclipse afin de réaliser différentes mesures sur notre étoile. !

Le 1er septembre 2016, la Réunion a connu un moment rare, exceptionnel, émouvant. Durant quatre minutes, la Lune s'est exactement alignée entre le Soleil et la Terre. Les foules réunies sur les plages ou à Saint-Louis, au plus près de la ligne de centralité, ont admiré une magnifique éclipse annulaire, le Soleil obscurci par le disque lunaire arborant un fin anneau flamboyant. A cette occasion, Jean-Yves Prado, spécialiste du Soleil, est venu jusqu'à l'île Bourbon pour mesurer le diamètre de notre étoile. Rencontre.
Sciences et Avenir : Pourquoi vous intéressez-vous à la mesure du diamètre solaire ?
Jean-Yves Prado : Jusqu'à il y a un an, j'étais responsable du programme « physique solaire et magnétosphère » au CNES. Dans cette fonction je me suis occupé de la mission Picard qui a fonctionné de 2010 à 2014. L'objectif de ce satellite était de mesurer le diamètre du Soleil, afin de comprendre, à partir de ses variations, s'il existe une relation entre l'activité solaire et le diamètre de notre étoile. Celui-ci augmente-t-il lorsque l'activité solaire s'accroît ? Ou au contraire diminue-t-il ? L'origine de cette question remonte au 17e siècle. A cette époque, le Soleil était plus large de quelques milliers de kilomètres. Ce phénomène a coïncidé avec une période d'inactivité solaire de 60 à 70 ans, au cours de laquelle les hivers étaient particulièrement froids. Y a-t-il un lien entre ces trois éléments ? L'objectif de la mission Picard était de répondre à cette question. Autre interrogation en suspens : est-ce que le diamètre du Soleil varie dans le temps ? Les résultats semblent indiquer qu'il y a une corrélation en fonction du cycle. Il nous faut maintenant prolonger la série de mesures jusqu'à pouvoir conclure.
Comment passe-t-on de la conception d'un satellite à l'étude des éclipses ?
Pour conforter et comparer les données enregistrées par Picard, nous avons conçu une méthode de mesure du diamètre solaire à l'occasion des éclipses totales. Puisqu'on connaît la dimension de la Lune, sa distance à la Terre et la distance Terre-Soleil, en appliquant le théorème de Thales, on obtient le diamètre du Soleil. Lors d'une éclipse, on mesure donc la durée d'occultation totale du Soleil. Nous avons mis en oeuvre notre concept un mois seulement après le lancement de la mission Picard, lors d'une éclipse en Polynésie. Cette méthode a donné d'emblée des résultats très fiables.
Quel est l'intérêt de ce type de campagne d'observations ?
C'est d'abord son coût très faible, notamment comparé à une mission satellitaire : quelques 1000 euros seulement. De plus, la méthode peut être partagée avec le plus grand nombre. Lors d'une éclipse qui se déroulait au Svalbard, nous n'avons pu nous déplacer. Nous avons alors confié nos instruments à un voyageur qui nous a rapporté des mesures tout à fait acceptables. Il suffit de savoir pointer les instruments vers le Soleil et la méthode fonctionne, même lorsque la température chute à -30 degrés. C'est une méthode robuste.
Pouvez-vous nous décrire l'expérience déployée à la Réunion ?
Cette fois, nous voulions mesurer un effet lié aux variations de la longueur d'onde selon la manière d'observer le Soleil. Concrètement : nous avons équipé des photomètres qui prennent mille mesures par seconde avec des filtres rouge et vert. Nous voulions savoir si le diamètre du Soleil est identique dans les deux cas. Au final, le Soleilsemble plus large dans le rouge que dans le vert. Mais nous n'avons pas encore analysé toutes nos observations et il est trop tôt pour en tirer des conclusions.
Après cette étape « éclipse » à la Réunion, quelle est votre prochaine étape ?
En mars prochain, il y a une éclipse partielle en Indonésie. Mais la prochaine vraie étape aura lieu en août 2017 aux Etats-Unis à l'occasion d'une éclipse totale. Depuis que j'effectue ces expériences, j'ai beaucoup voyagé, j'ai vu un nombre important d'éclipses. Mais hier, c'était la première fois que j'assistais à une éclipse annulaire. Et j'espère que ce ne sera pas la dernière. Car sur les sujets qui l'intéressent, un chercheur ne prend jamais sa retraite.
Vous considérez-vous comme un "chasseur d'éclipse" ?
Non. Il est vrai qu'il y a un aspect sociologique en ce qui concerne l'observation des éclipses. Des particuliers sont prêts à dépenser des milliers d'euros pour observer une éclipse pendant 5 minutes, juste pour avoir le privilège rare d'assister à un phénomène astronomique exceptionnel. Pour ma part, j'en fais plutôt une affaire personnelle. J'ai défendu cette méthode de mesure, j'ai conçu les instruments pour l'appliquer et je veux maintenant obtenir des réponses aux questions que nous nous posons.

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