SOCIETE CIVILE DU NORD-KIVU COORDINATIONS TERRITORIALES DE BENI ET DE LUBERO ET URBAINES DE BUTEMBO ET DE BENI Contact : (+243) 994 307 066, 994 009 193, 822 079 100 Contact : e-mail : societecivilebutembo@ gmail.com; societecivilebeni@ gmail.com; socivbeni@yahoo.fr; socivlubero01@g mail.com MÉMORANDUM DE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES À L’OCCASION DU PASSAGE DE SA DÉLÉGATION À BENI EN DATE DU 13 NOVEMBRE 2016 Monsieur le Président, C’est avec un grand respect mêlé d’une profonde tristesse que nous osons venir devant votre Haute Autorité pour dénoncer les massacres des populations civiles en Ville et Territoires de Beni et de Lubero, dans République Démocratique du Congo, Etat membre des Nations unies. Avant toutes choses, nous voulons Vous remercier pour les efforts que Vous déployez dans le monde et auprès du Conseil de Sécurité pour que la paix et la sécurité règnent sur la planète et que tous les peuples puissent alors goûter des fruits d’un développement durable. Nous saluons le récent passage à Beni de la délégation composée du Nonce Apostolique en République Démocratique du Congo, S .E. Mgr LUIS MARIANO MONTEMAYOR et de Votre Représentant spécial, Monsieur Maman Sidikou. C’est parce que les populations de l’Est de la République Démocratique du Congo en général et, en particulier, celles des Territoires de Beni et de Lubero et de la Ville de Beni ne bénéficient nullement de ces garanties essentielles d’une vie humaine digne que nous vous adressons le présent mémorandum, structuré autour du contexte, des démarches déjà entreprises et de la demande de Votre implication personnelle. Le Contexte Depuis le 2 octobre 2014, les populations civiles de Beni Ville et Beni Territoire sont soumises à des massacres qui s’assimilent à un véritable génocide, perpétré essentiellementà l’arme blanche (hache, machette, couteaux, etc.) et parfois à l’arme à feu. Des hommes, des femmes et des enfants sont égorgés comme des animaux, des femmes enceintes sont éventrées, des maisons sont incendiées (plus de 1800) y compris les structures sanitaires et scolaires. Ce sont aujourd’hui plus de 1350 personnes qui ont péri dans ces conditions infrahumaines sous le coup d’une violence sauvage et inouïe. D’ailleurs avant tous ces événements tristes, il faut signaler le kidnapping et les enlèvements de plus de 1400 personnes, dont les trois prêtres de la paroisse de Mbau le 19 octobre 2012 et le Docteur Mukongoma et tant d’autres paysans. Les Villes de Beni et de Butembo ainsi que les agglomérations des Territoires de Beni et de Lubero sont aujourd’hui en voie d’être coupées du reste du monde en raison de l’insécurité sur les routes. Les tronçons Butembo-Goma, Beni-Bunia et Kasindi-Beni, en particulier les parties du Parc national des Virunga, sont devenus des mouroirs. Des véhicules (plus de 17) transportant des personnes et des biens y sont incendiés régulièrement. Ces massacres et ces tueries interviennent dans un contexte sous-régional très complexe. En effet, depuis le génocide entre rwandais en 1994, la Communauté Internationale n’est pas parvenue à gérer efficacement les mouvements des populations et des bandes armées qui se sont multipliées à l’Est de la République Démocratique du Congo. Aux FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) et réfugiés rwandais se sont ajoutés des déplacés internes de plus en plus nombreux. Aujourd’hui encore, ce sont les réfugiés rwandais récemment expulsés de la Tanzanie qui viennent gonfler le nombre déjà effroyable des personnes sans abri, sans qu’on sache suivant quelle procédure ils ont acquis la nationalité congolaise. A supposer même qu’ils aient acquis frauduleusementcette nationalité, on peut se demander quel en est l’objectif. Comme si cela ne suffisait pas à rendre le climat explosif, au moment où nous Vous présentons ce mémorandum, ce sont des présumés Sud-soudanais qui arrivent dans la Province du Nord-Kivu. Dans ces vagues successives des réfugiés qui arrivent en RDC, il y a de nombreux anciens militaires soit du Rwanda, soit du Sud-Soudan et peut-être bientôt de l’Ouganda. Sous prétexte qu’il y a, dans la vallée de la Semuliki, des rebelles qui se prépareraient à attaquer son pays, le président ougandais justifierait ainsi l’envoi de ses troupes en RDC. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faudrait pas s’étonner qu’à l’avenir des vagues successives de réfugiés suscitent de nouveaux conflits dans la Sous-région. Dans cette situation humanitaire dramatique, l’exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles et des produits agricoles contribuent à l’accroissementde la criminalité : le commerce du bois et du cacao, l’exploitation des « minerais de sang » de la vallée de la rivière Semuliki, l’appétit des multinationalespour le pétrole ne sont pas pour peu dans cette culture de la mort qui s’installe dans le territoire de Beni.

Par ailleurs, il faut signaler une accélération de l’islamisation dans la région, suite à un certain prosélytisme de certaines troupes onusiennes de la MONUSCO dont, aux yeux de la population, le rôle revêt une ambiguïté face aux tueries qui sévissent à Beni Ville et Beni Territoire. Il n’est pas exclu que certains éléments soient de connivence avec les tueurs. Ce qui explique que plus d’une fois on ait entendu la population réclamer le départ de la MONUSCO.
En dépit de la présence massive des Forces Armées de la RDC et de la MONUSCO, sans oublier la Brigade d’Intervention avec sa logistique considérable, malgré le dédoublement du commandement de l’opération « Usalama », la situation est allée de mal à pire et les victimes sont de plus en plus nombreuses. Ce qui est plus choquant, c’est que des nombreux rapports, notamment celui des experts des Nations Unies et celui du Groupe d’Etude sur le Congo (GEC) ont mis en cause des éléments des Forces Armées de la RDC dans ces massacres, alors que le discours des officiels congolais se contente de répéter à accuser des « présumés ADF-NALU ».
Les conséquences immédiates de ce génocide sont désastreuses : insécurité croissante, baisse de l’activité agricole suite à l’abandon des champs par les paysans, insécurité alimentaire, asphyxie de l’activité économique et du commerce suite à l’insécurité sur les routes, déplacement massif des populations civiles, abandon scolaire, destruction des structures sanitaires, etc. ; bref, les tueurs utilisent la famine contre les populations civiles, ce qui est contraire au Droit International Humanitaire.
Les démarches antérieures
Pour éviter d’être complice de cette situation par un « silence honteux » dénoncé par le Saint Père, le Pape François, la Société civile des territoires de Beni et de Lubero et des Villes de Beni et de Butembo ont adressé, le 14 mai 2016, une « Lettre ouverte » au Chef de l’Etat congolais pour demander le relèvement des troupes dont de nombreux éléments proviennent par l’effet de mixage ou de brassage, d’anciens mouvements rebelles impliqués jadis dans les atrocités contre la population.
Les forces vives ont organisé trois journées de deuil, soit du 18 au 20 mai 2016 pour alerter l’opinion tant nationale qu’internationale sur l‘extrême gravité de la situation sécuritaire de Beni et ses environs. Elles ont également annoncé le déboisement du Parc National des Virunga consacré comme patrimoine mondial par l’UNESCO, car ce parc est devenu un dépotoir des groupes armés. Malheureusementle Conseil de Sécurité des Nations Unies s’illustre par un regard passif face à ce génocide.
En mai 2015, les évêques de la Province ecclésiastique du Kivu ont écrit pour dénoncer l’incapacité, sinon la complicité des dirigeants congolais et demander plus d’engagement pour éradiquer ces massacres qu’ils n’avaient hésité de qualifier de « véritables actes génocidaires, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. »
Le Parlement européen, dans sa résolution du 23 juin 2016 (2016/2770(RSP)), a exigé l’ouverture d’une enquête internationale neutre pour faire la lumière et établir les responsabilitésdans la tragédie de Beni.
En dépit de toutes ces initiatives louables, le génocide de Beni se poursuit et la population se sent livrée et abandonnée à ses bourreaux comme dans une Arène dont les spectateurs sont les membres de la Communauté tant nationale qu’internationale. Ce qui crée le sentiment d’autodéfense dans certains citoyens dont la chaîne est inconnu et nous craignons d’éventuels dégâts que cette situation pourra dégénérer.
Pendant que le peuple se meurt, les dirigeants s’enferment dans une lutte pour la conservation ou la conquête du pouvoir à des fins d’intérêts personnels ou partisans. Obnubilés par les gains liés au pouvoir, nos politiciens ont perdu le sens de l’intérêt général.
A observer le comportement de nos politiciens, même pendant le récent dialogue national, ils semblent se complaire dans une logique de pourrissement et de confrontation savamment préparée qui, à terme, peut devenir apocalyptique pour le pays et pour toute la Sous-région des Grands-lacs. La majorité semble compter sur les forces de sécurité (armée, police et ANR) de plus en plus enragées au fur et à mesure que s’approche le terme du deuxième et dernier mandat de l’actuel Chef de l’Etat, tandis que l’opposition semble compter sur la pression de la rue. Il y a à craindre que, dans une telle situation, chaque camp aiguisera son verbe pour rejeter sur l’autre la responsabilité du sang qui risque de couler dans ce pays déjà meurtri par plus de 6 millions morts depuis 1996. Il est urgent de libérer le peuple congolais d’une telle logique mortifère et du contexte sous-régional macabre.
Notre demande
Eu égard à tout ce qui précède, nous, forces vives et membres de la société civile des Villes de Butembo et de Beni et des Territoires de Beni et de Lubero, voudrions solliciter de votre part une implication personnelle pour le retour de la paix en Beni.

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