Dans la partie Est dela République Démocratique du Congo, en ce jour, la Ville de Goma volcanique, entre résignation et révolte. Près de quinze ans après la grande éruption du volcan Nyiragongo et quatre ans après l’offensive de la rébellion du M23, Goma continue de panser ses plaies. Entre résilience et reconstruction à deux vitesses, la grande ville de l’Est de la République démocratique du Congo reste en ébullition. Reportage de Mehdi Meddeb et Maxime Souville :

Goma la ruche continue à tournoyer au pied de ses volcans, Nyiaragongo et Nyiamulagira, situés à 20 km à peine. Tout le monde reste sur ses gardes, de Maman Cheka, la casseuse de pierres, à Ruhara, le tshukudeur (conducteur de grande trottinette congolaise), en passant par les milliers d’employés des ONG et de la Mission de l’ ONUpour la stabilisation de la RDC (MONUSCO), dont le centre de la mission est situé à Goma.
La menace des volcans, dont l’activité connaît un regain d’activité ces derniers temps, paraît secondaire ces derniers temps. Car le 19 décembre, Goma et le pays, la RDC, plongeront dans l’inconnu. D’un côté les volcans, de l’autre le lac Kivu. Aujourd’hui, une paix fragile, hier, la guerre et les rébellions. Goma compose avec ces pôles extrêmes. Aujourd’hui en pleine reconstruction, la grande ville du Nord-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), est en ébullition permanente, vivant sous des menaces multiples : éruptions volcaniques, explosion de la poche de gaz sous le lac Kivu, conflits ethniques ou encore tensions politiques... Et pourtant, Goma reste calme mais tendue. Elle semble tenir coûte que coûte à sa paix retrouvée, après tant d’années passées à voguer entre les rébellions, les exodes forcés, les épidémies de choléra et les afflux de réfugiés, déstabilisant durablement une région stratégique dans l’équilibre des Grands Lacs.
Habitués à y venir régulièrement ces trois dernières années, nous y sommes retournés en octobre. Et c’est sous un nouveau visage, avec ces routes principales en passe d’être refaites, que nous l'avons vue. "Enfin des travaux!... Surtout en période d’élections", ironisent les militants de la Lucha, la Lutte pour le Changement, mouvement citoyen dans le collimateur des autorités congolaises.
Enchaînement de catastrophes. Une guerre silencieuse est en train d'ensanglanter l'est de la RDC. Dans la nuit du 13 au 14 août, de nouveaux massacres de civils ont été commis dans la périphérie de Beni, plus de cinquante personnes sont mortes. Qui sont ces groupes armés qui sèment la terreur dans la région du Nord-Kivu ? Face à ces atrocités, que font la Monusco, l'armée congolaise, ainsi que le gouvernement de Kinshasa ? Benilubero online s’inquiète de la résurgence des massacres dans le Nord-Kivu après un temps d’accalmie. En trois semaines, au moins 100 personnes ont été égorgées, notamment à Luhanga (dans le territoire de Lubero), Balwanda. En tout cas, comme on dit souvent au Congo, la reconstruction de cette cité d’un million et demi d’habitants est lancée. Ces derniers mois, les chantiers se sont multipliés aux quatre coins de la ville. Pour le meilleur et pour le pire. Car pour l’heure, seule une minorité bercée par la douceur du lac Kivu en profite. La grande majorité vit sans électricité et sans accès à l’eau potable. Un comble pour une cité au bord d’un lac.
En attendant une meilleure gouvernance, les Gomatraciens tracent leur route, entre résilience et débrouille. Dans cette ruche frontalière du Rwanda, on y commerce, on y peste contre l’inflation du franc congolais, mais on s’accroche. Car la ville a habitué ses habitants à bien pire, ces vingt-cinq dernières années. Les catastrophes s’y sont enchaînées : il y a eu d’abord le génocide au Rwanda, en 1994, qui a durablement déstabilisé la région et dont les stigmates persistent encore aujourd’hui. Ensuite, plusieurs éruptions de volcans – la pire étant celle du Nyiragongo, le 17 janvier 2002. Enfin, il y a quatre ans, les obus sont tombé sur Goma, lors d’une guerre qui décimé une partie de sa population. La rébellion du M23 avait assiégé la cité pendant de longs mois et occupé une vaste zone dans l’Est de la RDC, à la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda.
Fatidique 19 décembre
Aujourd’hui, les habitants repensent à ces années de chaos en espérant que le pire soit passé, et s’accrochent plus que tout à un début de stabilité. Mais la perspective du 19 décembre, date de la fin de l’échéance constitutionnelle du mandat du président Kabila, inquiète. Pour l’instant, ce sont surtout les autorités congolaises qui sont fébriles. Elles ont arrêté ces dernières semaines des militants de la Lucha – plusieurs d’entre eux, notament parmi ceux que nous avons rencontrés, étant encore en détention – et tentent d’étouffer dans l’œuf leur campagne "Bye Bye Kabila". Une tension latente s’installe. Et tout le monde redoute une crise, avec probablement des éruptions de violence. Mais personne ne sait comment les choses vont tourner.
Entre résignation et révolte, le cœur des Gomatraciens balance. Beaucoup d'entre eux sont lassés du chômage de masse et de la lutte au quotidien pour trouver de quoi se nourrir. Deux Congolais sur trois vivent sous le seuil de pauvreté, d’après les chiffres de la Banque Mondiale. Le pouvoir, en place depuis quinze ans, suscite au mieux un sourire en coin, au pire de l’exaspération sociale... En attendant, chacun tente de composer avec l’inflation et les "tracasseries"
Saut dans l'Est.

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