Le journaliste et écrivain Nicaise Kibel’bel Oka s’intéresse depuis plusieurs années à la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu, et en particulier dans la région de Beni, àl'Est dela République Démocratique du Congo. Pour lui, la présence de présumés-ADF dans la région démontre la volonté des « djihadistes » d’y établir un califat. C’est une théorie qui reste très contestée, notamment par différents groupes d’experts internationaux et onusiens, qui est défendue par Nicaise Kibel’bel Oka dans son livre « L’avènement du jihad en RD Congo » paru fin 2016 :

Au sujet des attaques successive attribuées aux ADF-NALU, à Beni, deux grandes versions contradictoires s’affrontent en RDC. Le journaliste a enquêté sur la présence de djihadistes présumés dans le Nord-Kivu, à qui le gouvernement congolais attribue la responsabilité des massacres perpétrés sur les populations civiles de Beni et de Lubero. Dans un entretien accordé à Geopolis, Nicaise Kibel’bel a indiqué que la région forestière du Ruwenzori était d’ores et déjà régie par la charia, rien que ça !
« Effectivement, le terrorisme islamiste s’est installé dans le Kivu, notamment à Béni au Nord-Kivu par trois entrées. Vous avez Uvira qui est au Sud-Kivu à la frontière avec la Tanzanie; Béni, à la frontière avec l’Ouganda et l’Ituri au nord-est de la RDC. Ils ont bénéficié de la porosité des frontières et ont trouvé un terrain où les paysages leur sont favorables. Avec la forêt et ses ravins, avec ses falaises, ses grottes et tout ce que la nature peut donner dans la forêt impénétrable du Parc des Virunga. C’est là qu’ils ont installé leur base qu’ils appellent Medina. Ils sont venus comme de bons musulmans, puis ils ont commencé à pratiquer le Djihad.C’est-à-dire que vous avez à la main gauche le coran, à la main droite la kalachnikov. Il faut voir ce qu’ils font. Par exemple, la décapitation, les mains ou les oreilles des gens sont coupées. Des punitions sous forme de coups de fouet jusqu’à ce que mort s’en suive. Ils font des crucifixions. Leurs prisons sont des armoires à clous où vous entrez debout et pour vous tuer, on fait bouger l’armoire pour que les clous rouillés vous pénètrent. Vous attrapez le tétanos et vous mourrez. » Beni : Une étude sur les ADF réfute la thèse d’une présence djihadiste en RDC et charge la MONUSCO. Alors que le gouvernement et la MONUSCO se déclarent en guerre contre le terrorisme islamiste, de nombreuses voix au sein de la société civile, l’opposition, ainsi que différentes études réalisées, y voient plutôt l’oeuvre d’une sorte de coalition du mal qui a tout intérêt à ce que le chaos perdure à l’Est du pays.« L’armée, nos politiques, l’Ouganda, le Rwanda, la MONUSCO… on ne sait plus qui fait quoi dans cette histoire des ADF », nous confie ainsi un imam du Nord-Kivu, réagissant aux arrestations de personnalités musulmanes locales, soupçonnées de recruter des jeunes pour rejoindre les rangs des ADF. Pour lui, comme pour les chercheurs auteurs de l’étude publiée hier, l’idée d’une présence de combattants djihadistes au Congo est une fausse piste promue par le gouvernement et suivie aveuglément par les services de renseignements défaillants de la MONUSCO.
« Entre octobre et décembre 2014, une série de massacres tuant plus de 250 personnes a eu lieu dans le territoire de Beni, au nord-est de la RDC, près de la frontière avec l’Ouganda,rappellent ainsi Kristof Titeca et Daniel Fahey.Le gouvernement congolais et la MONUSCO ont rapidement identifié un groupe rebelle ougandais, appelé les Allied Democratic Forces (ADF), comme seul coupable, en dépit de solides éléments indiquant l’implication d’autres acteurs, y compris de soldats congolais ».Dans cette étude, les chercheurs entendent« démontrer de plus. « Les multiples facettes d’un groupe rebelle : Les Allied Democratic Forces en République Démocratique du Congo ».C’est le nom de la recherche menée par Kristof Titeca et Daniel Fahey, rendue publique ce vendredi 30 septembre, qui met sérieusement à mal la version officielle sur la situation dans le territoire de Beni, selon laquelle des activistes djihadistes seraient les auteurs des tueries de masses perpétrées contre la population. Allant jusqu’à évoquer une infiltration d’éléments « islamistes » jusque dans les rangs de l’armée, Nicaise Kibel’bel n’hésite pas non plus à lier l’augmentation bien réelle de la population musulmane dans la région à la concrétisation de ce rêve d’un califat que nourriraient les ADF.
« C’est ça l’objectif. Vous savez, il y a 12% de musulmans chez notre voisin immédiat l’Ouganda. Dans les années 2000, ils étaient seulement 7%. Vous avez des pays comme la Tanzanie et le Kenya où la majorité de la population est musulmane. L’objectif effectivement est d’installer un califat. La RDC sert comme une zone de recrutement et de formation au djihad, pour que ces gens formés en RDC puissent occuper toute la région des Grands Lacs. Et ils y tiennent mordicus. »
Depuis le début des massacres à Beni en octobre 2014, le gouvernement congolais insiste sur la responsabilité des « djihadistes » des ADF dans les tueries contre la population civile. Si la MONUSCO penchait également vers cette voie au départ, de nombreuses études d’experts de l’ONU ont mis en doute cette lecture des événements dans le territoire de Beni. Alors que l’on pense plutôt à des motivations purement politiques à l’instabilité permanente dans cette région, les « islamistes » présumés n’ont pour leur part jamais émis la moindre revendication qui puisse valider une quelconque velléité djihadiste.

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