L'opposant historique congolais Étienne Tshisekedi a quitté Kinshasa tôt mardi matin pour Bruxelles pour des raisons médicales alors que son parti négocie avec la majorité soutenant le président Joseph Kabila un partage du pouvoir jusqu'à la prochaine présidentielle en République démocratique du Congo. Le départ du vieil opposant, affaibli, pourrait compliquer ces négociations destinées à permettre une sortie pacifique à la crise politique provoquée par le maintien au pouvoir de M. Kabila au-delà du terme de son mandat, échu depuis le 20 décembre. RDC: l'opposant Tshisekedi quitte le pays pour raisons médicales :

Alors plus de vingt jours sont coulés, après la signature de l’accord politique global et inclusif en RDC, les modalités de son application tardent à être adoptées. Principal blocage : le partage des postes. Au grand dam des évêques congolais, médiateurs de ces tractations, qui l'ont fait savoir dimanche.
« La Cenco [Conférence épiscopale nationale du Congo, médiatrice des pourparlers en cours en RDC, ndrl] lance un appel aux négociateurs à se montrer plus sensibles aux besoins du peuple congolais et à ne pas perdre de vue l’objectif principal de ces négociations qui est l’organisation des élections dans moins d’une année ». Dans un communiqué publié le dimanche 22 janvier, les évêques congolais tirent, une fois de plus, la sonnette d’alarme.
« Il n’est pas concevable que les tractations pour mettre en oeuvre un accord prennent plus de temps que les négociations initiales pour signer le même accord », explique à Jeune Afrique un prêtre congolais qui participe aux travaux. « Nous avons de plus en plus l’impression que des politiques se préoccupent plus des postes à conserver. L'opposant de longue date, âgé de 84 ans, a décollé de l'aéroport international de Ndjili à bord d'un avion privé à 06h00 (05h00 GMT) alors que le jour se levait tout juste, selon un journaliste de l'AFP ayant observé la scène à distance.
Un peu plus tôt, alors qu'il faisait encore nuit, le président de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) avait été hissé, aidé par des proches, à bord d'un jet arrivé la veille.
- "Il n'est pas mourant" -
Selon une source aéroportuaire, sa femme a pris place à son côté dans l'avion à bord duquel voyage aussi une infirmière. M. Tshisekedi était rentré triomphalement au Congo fin juillet, après près de deux ans de convalescence dans la capitale belge. Des centaines de milliers de Congolais étaient alors venus l'accueillir. Cela avait été le plus grand rassemblement politique des cinq dernières années à Kinshasa.
Concurrent malheureux de M. Kabila lors de la présidentielle de 2011, entachée de fraudes massives, M. Tshisekedi est la figure de proue d'un "Rassemblement" d'opposition constitué en juin pour exiger la tenue de la présidentielle dans les temps et le départ du chef de l’État sortant au terme de son mandat.
Après avoir multiplié les mots d'ordre contradictoires à l'attention de la population, l'UDPS a fini par rallier les négociations sous l'égide de l’Église catholique destinées à éviter une nouvelle descente aux enfers à un pays de 71 millions d'habitants parmi les moins développés au monde ravagé par deux guerres entre 1996 à 2003.
Pouvoir et opposition ont conclu le 31 décembre un accord de cogestion du pays actant le maintien au pouvoir de M. Kabila jusqu'à l'élection de son successeur censée avoir lieu à la fin de l'année.
Les modalités pratiques de la mise en œuvre de cette entente continuent de faire l'objet d'âpres négociations, en particulier en ce qui concerne le partage des postes au sein de l'exécutif, et le nouveau gouvernement prévu par l'accord n'a pas encore vu le jour.
Aux termes de l'entente conclue le 31 décembre, M. Tshisekedi devait être confirmé jeudi à la tête du Conseil national de suivi de l'accord (CNSA), organe consultatif chargé notamment de veiller au bon déroulement des préparatifs de l'élection. Opposant sous la dictature du maréchal Mobutu (1965-1997), dont il fut longtemps proche, M. Tshisekedi n'a cessé de dénoncer le pouvoir des Kabila, d'abord le père, Laurent-Désiré, tombeur de Mobutu, puis son fils Joseph, ayant hérité des rênes de la RDC après l'assassinat de son géniteur en 2001.
Joseph Kabila est aujourd'hui âgé de 45 ans et la Constitution congolaise lui interdit de se représenter mais il ne donne aucun signe de vouloir quitter le pouvoir.
Il s'est maintenu à la tête de la RDC dans un climat de violences (ayant fait au moins 56 à 125 morts dans la semaine du 19 décembre), en vertu d'une décision controversée de la Cour constitutionnelle, finalement avalisée par l’opposition dans l'accord du 31 décembre. "Il n'est pas mourant, mais il doit partir pour un contrôle (médical) à Bruxelles", a déclaré à l'AFP un proche de la famille Tshisekedi.
Mais pour un haut cadre de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), la santé du "Vieux", comme le surnomment affectueusement ses compagnons d'engagement politique, s'est brusquement dégradée. "C'est (peut-être) un aller simple, ce n'est pas à exclure", a déclaré ce dirigeant du parti sous le couvert de l'anonymat.
Voulant couper court "à des rumeurs" sans préciser les motifs du voyage, l'UDPS avait publié dans la nuit un communiqué affirmant que son chef partirait pour Bruxelles "mardi (...) à 10h00" pour un séjour prévu de longue date ayant "été plusieurs fois reporté compte tenu de la situation politique au pays et des enjeux de l'heure".
- 'Responsabilités historiques' -
Selon ce même communiqué, "le chef du parti ne tardera pas à revenir pour assumer ses responsabilités historiques".

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