Précisement en Rdcongo : Qui cherche à récupérer politiquement la disparition de la figure emblématique de l’opposition congolaise ? A peu près tout le monde... majorité et opposition confondues. Presque 10 jours après l’annonce de son décès, le retour de la dépouille d'Etienne Tshisekedi à Kinshasa fait toujours polémique. Et aucune date n’est avancée pour des funérailles que les Congolais veulent nationales. Le décès du patriarche intervient avant la mise en oeuvre d’un accord crucial pour l’avenir politique du Congo. La plus grande confusion règne autour du retour du corps de l’opposant Etienne Tshisekedi à Kinshasa pour ses obsèques. Dans une ambiance plutôt malsaine, majorité et opposition tentent de tirer un avantage politique de la mort du Sphinx de Limete :

Le pouvoir redoute que les cérémonies ne se transforment en manifestation politique et a immédiatement proposé à la famille de mettre à disposition un avion pour rapatrier le corps et la famille à Kinshasa, et de prendre en charge les obsèques. En juillet dernier, le retour d’Etienne Tshisekedi dans la capitale congolaise après deux ans d’exil médical en Belgique avait rassemblé plusieurs centaines de milliers de partisans dans les rues. Un « risque » que les autorités congolaises voudraient bien garder sous contrôle.
« Pas de nouveau gouvernement, pas de rapatriement du corps »
Du côté l’opposition, pas question de se soumettre aux volontés du pouvoir et d’un gouvernement « illégitime ». L’UDPS à Kinshasa pose même ses conditions au retour du corps de Tshisekedi : pouvoir « définir le lieu et la forme de l’enterrement, l’érection d’un mausolée au centre-ville de Kinshasa et la prise en charge des frais par l’Etat ». Mais surtout, l’UDPS exige la nomination du nouveau Premier ministre (Félix Tshisekedi) et l’entrée en fonction du gouvernement « de large union ». En clair :« pas de nouveau gouvernement, pas de rapatriement du corps ! » Pour l’heure, le gouvernement oppose une fin de non-recevoir aux exigences de l’UDPS. Son porte-parole estime qu’il faut ouvrir de nouvelles discussions et trouver un consensus sur la présidence du CNSA, le nom du Premier ministre et la composition du futur gouvernement. En attendant, la dépouille d’Etienne Tshisekedi repose toujours à Bruxelles... sans aucune date de rapatriement en vue. Félix Tshisekedi : Je suis toujours triste. Nous avons perdu quelqu’un de très cher pour sa famille mais aussi et surtout pour le pays. On ne guérit pas facilement de ce genre de perte. Ça prendra du temps. En même temps, son combat doit continuer et nous sommes bien armés pour le porter.
Son corps est toujours à Bruxelles. Quand les Congolais pourront-ils se recueillir auprès de celui-ci ?
Dès que nous aurons réglé les problèmes. Il y a surtout celui de sa sépulture. Comme les Congolais, nous, sa famille, pensons qu’il appartient au patrimoine national et qu’il mérite d’avoir un mausolée, plutôt que d’être enterré au cimetière. Nous discutons avec le gouvernement sur ce point pour définir l’endroit idéal.
Vous souhaitez qu’il soit érigé à Kinshasa ?
Oui, c’est mieux. C’est la capitale.
Ce sont ces discussions qui bloquent son retour aujourd’hui ?
Oui. Et par ailleurs, il y a des tensions. La population ne veut pas que le gouvernement [de Samy] Badibanga s’occupe de ces obsèques et veut la formation d’un nouveau gouvernement en vertu de l’accord du 31 décembre dernier.
Nous, la famille, nous n’en faisons pas une exigence, et nous voudrions éviter ces tensions. Nous ne voulons pas que ces funérailles se transforment en bataille rangée. La mêlée politique congolaise ne connait pas de trêve. Depuis le décès d’Étienne Tshisekedi, et malgré l’émotion affichée par tous, les négociations entre pouvoir et opposition se poursuivent. Cette disparition leur a simplement donné un nouvel enjeu : l’avenir de son corps. Mais ce n’est pas la question la plus épineuse.
Le rapatriement du sphinx de Limete à Kinshasa est suspendu à la résolution de plusieurs débats. La famille exige qu’il repose dans un mausolée. Voici qui le placerait sur un pied d’égalité avec le « Mzee » Laurent-Désiré Kabila, le père de l’actuel président Joseph Kabila, qui dispose du sien à Kinshasa.
Il y a, aussi, la question de la nomination d’un nouveau Premier ministre d’opposition, tel que prévu par l’accord du 31 décembre, ultime acte politique de Tshisekedi. Avant de partir, « le Vieux » avait proposé le nom de son fils, Félix, pour ce poste. À l’heure où d’autres peuvent s’abandonner au chagrin, il doit se battre pour concrétiser cet héritage politique. Le tout sans son mentor.
Il s’est confié à Jeune Afrique à Bruxelles, au lendemain de la messe prononcée en mémoire de son père en la Basilique du Sacré-cœur-Koekelberg. Mais l’accord n’est toujours pas appliqué et plusieurs points de blocages subsistent, notamment concernant la nomination du nouveau Premier ministre et la composition du gouvernement.
Une mort qui change tout
La disparition de la figure tutélaire de l’opposition congolaise pourrait bien faire voler en éclat le maigre consensus qui s’est dégagé de l’accord de décembre. Du côté de la majorité présidentielle, on profite du décès de Tshisekedi pour remettre en cause la composition des membres du Conseil de suivi de l’accord (CNSA) que devrait présider l’opposant historique. Idem pour la nomination du Premier ministre que le Rassemblement de l’opposition avait réservé à Félix Tshisekedi, le fils et dauphin politique du sphinx. Le gouvernement, que dirige un ancien proche de Tshisekedi, Samy Badibanga, qualifié de « traître » par le Rassemblement, essaie également de mettre la main sur l’organisation des funérailles nationales du « président de l’opposition ».

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