Les autorités canadiennes ont annoncé, mercredi 5 décembre, avoir arrêté Meng Wenzhou, directrice financière du géant des télécoms chinois Huawei

Télécoms : crispations sino-américaines !

En Chine, les sanctions américaines envers l’équipementier ZTE réveillent la fibre nationaliste. Le fabricant Huawei a, lui, décidé de se consacrer aux marchés européen et asiatique.

L’arrestation d’une dirigeante de Huawei provoque des tensions entre Pékin et Washington.

Meng Wanzhou fait face à une demande d’extradition des Etats-Unis.

Selon la presse, Washington la soupçonnerait d’avoir violé des sanctions américaines contre l’Iran.Après l’acier ou l’aluminium, la guerre commerciale américano-chinoise s’est trouvée un autre théâtre d’expression, les télécommunications, et a fait deux premières victimes, les fabricants de smartphones ZTE et Huawei.

Le premier serait, de l’aveu de ses propres dirigeants, en danger de mort après que les Etats-Unis ont décidé le 16 avril de le priver de tout composant américain pour sept ans.

« L’interdiction ne va pas seulement sévèrement mettre en danger la survie et le développement de ZTE, mais va aussi causer du tort à tous les partenaires de ZTE, y compris de nombreuses entreprises américaines », a mis en garde l’entreprise le 20 avril.

Si les experts du secteur estiment les stocks de ZTE suffisants pour tenir un à deux mois, le jour même de l’annonce des sanctions, les lignes de production du groupe ont été arrêtées, a rapporté le magazine économique chinois Caijing.

Le lendemain, ZTE a suspendu la cotation de son action sur les Bourses de Hongkong et Shenzhen.

Le fabricant est accusé d’avoir menti à la justice américaine à la suite de précédentes sanctions.

Condamné pour avoir vendu des équipements à l’Iran et à la Corée du Nord en violation de l’embargo américain, ZTE avait plaidé coupable en mars 2017 et accepté de verser 1,19 milliard de dollars (environ 900 millions d’euros).

En revanche, les cadres que l’entreprise s’était engagée à punir ne l’ont pas été : certains ont touché leurs primes de fin d’année, d’autres n’ont pas été licenciés comme prévu.

Si les Etats-Unis imposent depuis juillet des sanctions douanières aux importations chinoises, nombre d’observateurs jugent que la principale crainte des Etats-Unis est en fait l’avance technologique que prend la Chine dans un certain nombre de secteurs, notamment les télécommunications, en utilisant des moyens non conformes aux règles du commerce international.

Huawei est l’un des exemples les plus emblématiques de cette réussite désormais contestée.Sur les réseaux sociaux chinois, l’arrestation de la fille du fondateur de Huawei a très vite été en tête des sujets les plus débattus jeudi matin.

Les internautes multiplient les critiques à l’égard du Canada et des Etats-Unis. Huawei est l’une des entreprises dont les Chinois sont les plus fiers.

Mardi 27 novembre, recevant quelques journalistes occidentaux, Xu Nanping, le vice-ministre de la science et de la technologie avait jugé qu’en matière technologique, la Chine était loin d’avoir atteint le niveau des Etats-Unis mais, à deux reprises, il avait cité Huawei comme étant l’une des rares sociétés chinoises en avance, selon lui, sur la technologie américaine « grâce au travail de fous de ses employés », avait-il précisé.

Mi-octobre, le New-York Times avait écrit que l’iPhone de Donald Trump était espionné par les Russes et les Chinois.

Non content de publier un démenti, la porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois avait ironisé : « Si Trump a des doutes sur la sécurité de son iPhone, il pourrait envisager de changer pour passer à un Huawei. »


Un des sujets les plus débattus !

Le Wall Street Journal avait révélé en avril que le département de la justice américain avait ouvert une enquête pour déterminer si Huawei avait enfreint l’embargo américain contre l’Iran.

Fondée par un ancien général de l’armée chinoise, la compagnie est régulièrement accusée par les Occidentaux d’espionner pour le compte de Pékin.

Par ailleurs, l’entreprise est en concurrence directe avec les Occidentaux, comme Nokia et Ericsson, pour mettre en place la technologie 5G qui devrait commencer à succéder à l’actuelle 4G dès 2019. Cette technologie sera aussi le support d’innovations telles que la voiture autonome ou la télémédecine.

Les Etats-Unis qui ont déjà réussi à convaincre l’Australie et la Nouvelle-Zélande de ne pas recourir à Huawei, pour des raisons de sécurité nationale, feraient actuellement pression sur les Européens pour qu’ils prennent la même position.

La France doit décider de l’attribution des fréquences 5G en 2019.

Les déboires de Huawei ne sont pas sans rappeler ceux de ZTE, l’autre grand équipementier chinois de télécommunication qui s’était vu reprocher en début d’année par les Etats-Unis d’avoir fait de « fausses déclarations »  concernant l’embargo contre l’Iran.

Washington avait imposé de lourdes sanctions contre ZTE, interdisant notamment à cette entreprise d’acheter le moindre composant électronique aux Etats-Unis durant sept ans. Une décision qui met l’entreprise en danger.

« Huawei et ZTE sont deux faces d’une même médaille : des entreprises de télécommunication chinoises qui représentent un danger pour la sécurité nationale des Etats-Unis », juge le sénateur démocrate américain Chris Van Hollen, très impliqué dans ce dossier.


fille du fondateur du groupe, Ren Zhengfei. L’arrestation a eu lieu le 1er décembre à Vancouver (Canada) à la demande des autorités américaines qui réclament son extradition. Selon le Globe and Mail, quotidien canadien, qui ne cite pas ses sources, Washington accuse Mme Meng d’avoir « essayé de contourner l’embargo américain contre l’Iran ».

Dans un communiqué, Huawei rapporte que Mme Meng fait face à des  « accusations non précisées » par la justice de New York et qu’elle était en correspondance entre deux avions à Vancouver.

« L’entreprise a reçu très peu d’informations concernant les accusations et n’est au courant d’aucun délit commis par Mme Meng », poursuit-elle.

Huawei, qui dit faire confiance aux institutions judiciaires canadiennes et américaines, précise « respecter toutes les lois et règlements [des pays] où elle opère, y compris les lois concernant le contrôle des exportations et les sanctions ».

Pékin a, en revanche, adopté un ton beaucoup moins diplomatique. « La partie chinoise s’oppose fermement et proteste vigoureusement contre de telles actions qui portent une grave atteinte aux droits humains de la victime », a déclaré l’ambassade de Chine au Canada.

Demandant la libération immédiate de Mme Meng, l’ambassadeur, Lu Shaye, a annulé la visite qu’il devait effectuer jeudi, en compagnie de quatre parlementaires chinois au Parlement à Ottawa.





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