La Chine veut aussi sa présence sur la lune

Faire de la Lune la base avancée de la conquête spatiale ?
Reste à savoir pour quoi faire ?

2019 sera une année lunaire, durant laquelle nous fêterons le 50ème anniversaire du premier pas sur la Lune. Mais l’actualité n’est pas en reste, avec l’atterrissage de la mission chinoise #ChangE4 cette nuit  Quelques explications.

Le nombre de lancements n'est pas tout. La Chine a aussi réussi des programmes spatiaux complexes.

Comme des vols habités ou même un premier alunissage d’un rover, Chang’e-3, en 2013 sur la face visible de la Lune. Mais jusque-là, tout ce qu’elle avait entrepris avait déjà été fait par les Américains ou les Russes.

Avec Change’e-4, « non seulement la Chine réalise une première mais elle fait aussi l’étalage de sa maîtrise technique de l’atterrissage spatial autonome, un domaine dans lequel la moindre erreur est bien souvent fatale à la réussite de la mission », note Michel Viso.

Reste à faire descendre le rover
S’il ne nie pas la prouesse chinoise de la nuit dernière, le responsable de l’exobiologie au   Centre national des études spatiales (Cnes)  invite toutefois à la mettre en perspective. Pour au moins trois raisons.

- Si la Chine est la première à poser un rover sur cette face cachée de la Lune, cet hémisphère avait déjà été survolé par des sondes, qui avaient permis de le cartographier précisément.

« Nous connaissons donc déjà sa morphologie », précise Michel Viso.

- Se poser sur la face cachée de la Lune est aussi dans les cordes des autres grandes nations spatiales mais n’était pas vraiment un de leurs objectifs.

« Après la fin du programme Apollo, qui a permis aux Américains d’envoyer un homme sur la Lune, l’exploration lunaire s’est fortement ralentie pour se concentrer sur d’autres objectifs, explique-t-il.

Une première « première » pour la Chine
Ni les Américains, ni les Russes, ni les Européens ne l’avaient fait jusque-là.

C’est bien ce que retient Philippe Coué, spécialiste du programme spatial chinois et auteur, entre autres, de Cosmonautes de Chine publié chez L’Harmattan.

« La Chine a signé cette nuit une première spatiale, ce qu’elle n’était jamais parvenue à faire jusque-là», insiste-t-il. Que cette nation y parvienne n’est pas si étonnant. Voilà maintenant vingt ans que la Chine s’efforce de se mêler aux Etats-Unis et la Russie dans la course à l’espace.

« Elle a largement aujourd’hui dépassé la Russie, estime Philippe Coué. Et en 2018, pour la première fois, la Chine a réalisé plus de lancements spatiaux (40 dont un échec) que les Etats-Unis (35). »

2019 sera une année lunaire, durant laquelle nous fêterons le 50ème anniversaire du premier pas sur la Lune. Mais l’actualité n’est pas en reste, avec l’atterrissage de la mission chinoise #ChangE4 cette nuit  Quelques explications.

« C’est un événement majeur pour la Chine qui s’affirme comme une grande puissance spatiale ». Ce jeudi, Sun Zezhou, ingénieur en chef de la mission Chang-e 4, claironne le succès de cette nuit sur le plateau de la télévision nationale CCTV. L’atterrisseur chinois Chang-e 4, chargé d’un petit rover (un robot sondeur capable de se déplacer), est parvenu à se poser dans le cratère Von Karman sur la face cachée de la Lune, cet hémisphère qui tourne le dos en permanence à la Terre.

La Chine a frappé un grand coup mercredi en étant la première à se poser sur la face cachée de la Lune. Il y a beaucoup à apprendre de cet hémisphère inconnu de notre satellite. Mais la Chine vise bien plus loin...

La Chine est parvenue à poser dans la nuit de mercredi à jeudi l’atterrisseur Chang’e-4, chargé d’un petit rover, sur la face cachée de la Lune. Pékin n’avait jusque-là jamais signé une première spatiale.

De cette mission, la communauté scientifique espère en savoir un peu plus de cet hémisphère méconnu de notre satellite naturel, qui nous tourne le dos en permanence.

Est-il différent ou non de la face visible de la Lune ?

Avec Chang’e-4, la Chine ne poursuit pas qu’un but scientifique mais se pose comme une grande puissance spatiale désireuse de s’installer durablement sur la Lune.

Face cachée de la Lune: Qu’est-ce que mijote la Chine exactement?

Mars, l’observation des lunes de Jupiter, de Mercure, de Pluton… » En 2014, les Européens sont parvenus à poser un robot-laboratoire, « Philae », sur la comète « Tchouri ». C’est pas mal non plus.

- Enfin, cette nuit, la Chine est parvenue à poser son atterrisseur. Une première étape importante. « Mais ce n’est que la première, précise Michel Viso. Il reste encore à faire descendre le rover à la surface de la Lune, une phase périlleuse.Il faudra aussi ensuite mener à bien les diverses expériences. »

À ce jour, ce n’est pas très clair. La Chine – comme d’autres- évoque l’idée de créer à terme une zone économique Terre-Lune ou de se servir de notre satellite naturel comme d’une base avancée pour la conquête spatiale.

« L’une des idées avancées par Pékin serait par exemple d’extraire des matériaux lunaires et de les transformer sur place pour construire des engins spatiaux, indique Philippe Coué.

À terme, cela pourrait être économiquement moins cher que de tout construire sur Terre. »
La Lune pourrait aussi faire office d’escale sur la route vers Mars ou des destinations plus lointaine encore. De station-service même, disons le clairement.

« Certains imaginent que l’on sera un jour capable de fabriquer du combustible liquide à partir des glaces contenues sur la Lune ou de l’eau emprisonnée dans ses roches», confirme Michel Viso qui précise qu’on n’est encore à ce jour que dans de la science-fiction.

En attendant que cela se précise, la Lune est devenue l'objet d'une bataille d'influence entre les grandes puissances spatiales. Et la Chine a marqué un point cette nuit.

Les Etats-Unis y sont passés, la Chine veut y rester
Philippe Coué, lui, n’en démord pas. Plus qu’un programme scientifique, Chang’e-4 est à voir d’abord comme un programme technologique, politique même, qui montre un peu plus encore les ambitions chinoises sur notre satellite naturel.

« La suite a déjà été annoncée avec Chang’e-5, prévue en 2019 également, précise-t-il. Il s’agit cette fois-ci de recueillir et ramener sur Terre des échantillons de la Lune, sur sa face visible.

» Russes et Américains y sont déjà parvenus, mais en réussissant cette nouvelle mission, Pékin montrerait qu’il élargit encore sa palette de compétences spatiales.

« Le pays ne fait pas secret de sa volonté de s’installer durablement sur la Lune, rappelle Philippe Coué. Il planche sur le projet d’une base lunaire depuis trois ans maintenant et nous commençons à en voir des plans de plus en plus précis.

Il évoque également la volonté de créer une zone économique Terre-Lune. La Chine est persuadée que la nation qui dominera le monde au XXIe siècle sera celle qui aura intégré dans son modèle économique la gestion d’un corps céleste. ».

Des attentes scientifiques
Le programme Chang’e-4 marquerait un peu plus encore les esprits en atteignant avec succès ces objectifs scientifiques.

Une dizaine d’expériences sont prévues portant sur les basses fréquences radios, la culture de certaines plantes (tomates notamment) en microgravité restreinte, les ressources en minéraux.

« Cette face cachée de la Lune, même si nous avons pu la cartographier, nous est encore pour l’essentiel inconnue, explique l’exobiologiste du Cnes.

La face visible a été façonnée par un gigantesque impact appelé Imbrium. Change’e-4 s’est posé dans un bassin probablement plus ancien de notre satellite.

Si les expériences vont au bout, nous pourrons alors sans doute découvrir un autre pan de l’histoire de la Lune. »

Que cet hémisphère caché se révèle proche ou très différent de la face visible, les résultats seront forcément intéressants.

La communauté scientifique espère notamment en savoir un peu plus sur la formation du système solaire et/ou du système Terre-Lune.

Particulièrement bien pensé, ce système a vu germer pour la première fois une pousse de coton sur la Lune. L'image ci-dessus montre l'expérience témoin qui a été réalisée sur Terre.

Le gel a tout emporté
Malheureusement, quelques jours plus tard, le froid inhérent à la tombée de la nuit lunaire a eu raison de cette prometteuse expérience.

Le contenu de la petite « biosphère » a en effet été soumis à des températures allant jusqu'à -52 °C, alors que le soleil venait à peine de disparaître à l'horizon.

Physiologiquement pas préparées à subir un tel écart de température, les pousses ont gelé sur place et commencent maintenant à se décomposer dans cet environnement scellé.

Malgré l'échec relatif de cette expérience scientifique, rappelons tout de même qu'il s'agit ici d'un exploit inédit qui ouvre de grands espoirs concernant la culture de plante dans l'espace, ainsi que l'éventuelle production de nourriture pour de futures missions longues et lointaines comme le serait un voyage à destination de Mars.

Notons que plusieurs expériences botaniques ont déjà été réalisées, en orbite terrestre, au sein de la Station spatiale internationale (ISS) où ses occupants ont d'ailleurs réussi à cultiver de la laitue.

Prochainement, ils seront également en mesure d'y cultiver des haricots à l'aide de dispositifs de culture high-tech.

Croissance biologique sur la Lune : une première
Nous le savons déjà, la Chine nourrit de grandes ambitions concernant le domaine spatial.

Après être devenue la première nation à poser un atterrisseur sur la face cachée de la Lune le 3 janvier 2019, puis avoir déployé son petit astromobile Yutu-2, la CNSA a annoncé via la télévision chinoise être parvenu à faire germer des semences de coton sur la Lune.

Une expérience inédite, destinée à étudier la capacité des plantes à grandir dans un écosystème basique, loin de leur environnement naturel.

Pour réaliser une telle prouesse, Chang'e4 a embarqué un petit conteneur contenant tous les éléments nécessaires à croissance des plantes : de l'air, de l'eau et de la terre chargée de nutriments.

Outre les graines de coton, s'y trouvaient également des semences de pomme de terre et d'arabidopsis (un brassicacée au même titre que le chou et la moutarde), mais ce n'est pas tout !

Une fois les plantes développées, l'oxygène qu'elles sont censées dégager aurait permis la croissance d'œufs de mouche et de levures, qui eux-mêmes auraient produit du dioxyde de carbone (CO2), un gaz indispensable aux plantes vertes.


Commentaires