Particulièrement l'Est dela Rép Dém du Congo est touché et meurtries par l'activisme de ces groupes.


Le Kivu, épicentre de la violence.

La géographie sécuritaire à l’est de la RDC fait ressortir une réalité macabre sur les droits humains. Les groupes et forces armés tuent et incendient, violent et pillent les ressources naturelles de la RDC à cause de l’irresponsabilité de certains politiciens congolais et, subsidiairement, des faiblesses de la diplomatie onusienne plus ou moins inadaptée aux réalités politico-sociales de l’est de la RDC. Une diplomatie de dialogue plus que d’intervention en faveur de la vie et de la dignité humaine face aux multiples exactions à Beni, à Mutarule, à Walikale, à Kabare et ailleurs.

Ces flambées récurrentes de violence, comme l’a montré l’importante crise qui a éclaté au Nord-Kivu en avril 2012, demeurent un obstacle à la paix dans la partie Est dela République démocratique du Congo et menacent la stabilité et le développement de toute la région des Grands Lacs. 

Afin de s’atteler aux causes profondes du conflit et de garantir le maintien d’une paix durable dans le pays et dans l’ensemble de la région, l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et dans la région a été signé par les représentants de 11 pays de la région, les Présidents de l’Union africaine, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, la Communauté de développement de l’Afrique australe et le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le 24 février 2013 à Addis-Abeba, en Éthiopie.

Le 28 mars 2013, en soutien de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et dans la région et en réponse à l’appel lancé par les Gouvernements dans la région des Grands Lacs, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2098 (2013), par laquelle il proroge jusqu’au 31 mars 2014 le mandat de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et crée une « brigade d’intervention » pour renforcer les opérations de maintien de la paix.

La province la plus affectée demeure le Nord-Kivu, avec près d’un million de déplacés, sur 6 à 7 millions d’habitants. Le nord de la province vit sous la menace d’une milice d’obédience musulmane d’origine ougandaise, les Forces démocratiques alliées (ADF), présente au Congo depuis la fin du règne de Mobutu. 

Cependant, de nombreux observateurs et habitants sont persuadés qu’au moins une partie des exactions qui lui sont attribuées sont en réalité commises par des groupes congolais contrôlés par des potentats locaux, eux-mêmes agissant avec le soutien de Kinshasa ou de pays voisins, et avec l’implication d’officiers des Forces armées de RDC (FARDC), c’est-à-dire les forces de sécurité officielles. 

Après une année de baisse de leurs activités, les tueries des « présumés ADF » semblent reprendre de plus belle, tandis que d’autres groupes émergent un peu plus au sud, entre Butembo, la seconde ville de la province, et Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu.

Outre ceux qui déclarent s’opposer aux ADF, comme les « Maï-Maï Corps du Christ », de nombreux groupes se forment sur des bases ethniques, se cristallisant surtout autour de l’opposition entre les deux principales communautés de la province, les Nande et les Hutu. 

Des chefs nande ont créé diverses milices maï-maï, s’opposant à des groupes de Hutu, congolais, mais aussi rwandais, dont les célèbres Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), issues des anciennes Forces armées rwandaises, acteur majeur du génocide de 1994. 

La plupart de ces groupes affrontent aussi régulièrement les FARDC, voire la MONUSCO, la force onusienne déployée depuis près de vingt ans dans le pays. D’autres milices, se réclamant le plus souvent de la bannière Maï-Maï et prétendant « protéger leur communauté », écument le reste de la province, pratiquant le braconnage et la pêche clandestine, s’emparant de carrés miniers, rackettant les paysans et les véhicules, pillant les villages de communautés « ennemies », violant leurs femmes et commettant une litanie ininterrompue de massacres.

La situation est à peine meilleure dans la province voisine du Sud-Kivu. Sa partie septentrionale est la proie de diverses factions des Raïa Mutomboki (« citoyens en colère »), créées à l’origine pour lutter contre les FDLR, mais s’étant depuis scindées sur des lignes ethniques et ayant sombré dans le banditisme ordinaire. Plus au sud, divers groupes armés burundais ont trouvé au Congo une base arrière pour lancer des raids sur leur pays d’origine et ont noué des alliances avec des groupes Maï-Maï, en particulier celui de Yakutumba. 

Disposant d’une flotte pirate sur le lac Tanganyika, ce dernier est actif de la grande ville d’Uvira – dont il a failli s’emparer en septembre 2017 – jusqu’au nord de la province du Tanganyika. Notons que Yakutumba est un des rares chefs de guerre à afficher des revendications clairement politiques, à savoir le départ du président Kabila, rejoignant en cela ses alliés burundais, en guerre contre le président Nkurunziza.

Des provinces orientales fortement instables

Encore plus au sud, dans la province du Tanganyika, les affrontements entre Bantous (Luba) et Pygmées (Twa) reprennent périodiquement malgré des médiations et des semblants de réconciliation communautaire. Contrairement au Kivu, où les armes automatiques prédominent, les armes artisanales ont ici la préférence des protagonistes. 

Le cœur du conflit semble être lié à la déforestation, qui a chassé les Twa de leurs territoires ancestraux et les a forcés à se consacrer à l’agriculture pour survivre, entrant ainsi en concurrence avec les paysans luba. Un cycle – jusqu’à présent ininterrompu – de violences et de représailles a produit une guerre intermittente et vicieuse, jetant sur les routes environ un demi-million de personnes.

Toutefois il sera difficile pour le gouvernement de consolider ces avancées, et ce pour trois raisons :

D’abord, au lieu de désarmer, certains groupes armés profitent de leurs bonnes relations avec les FARDC pour se renforcer, au point de se transformer en de sortes d’Etats dans l’Etat : le cas du Nduma Defense of Congo dont le « territoire » s’est enrichi de nouvelles conquêtes dans le Masisi pendant les mois de mars et avril 2019.

Non seulement sa puissance et son prestige le rendent difficile à désarmer sans accord à son avantage, mais aussi sa complicité avec les FARDC crée un dilemme de sécurité qui réduit l’enthousiasme des groupes rivaux.

Deuxièmement, et probablement le défi le plus important, il y a un manque frappant d’options pour ceux qui veulent se rendre. Le Programme national de désarmement, démobilisation et réintégration (PNDDR) n’accepte aucun nouveau candidat à la démobilisation depuis plusieurs années.

 Ceux qui se rendent sont parfois placés dans des camps militaires – les deux principaux sont situés à Nyamunyunyi, au nord de Bukavu; et Mubambiro, à l’ouest de Goma – avec peu de supervision ou reçoivent de simples jetons de démobilisation et sont renvoyés dans leurs villages.

Au même temps, le gouvernement congolais envoie des signaux contradictoires. Par exemple, le 3 février, le chef des rebelles Ebuela est arrivé à Mikenge (territoire de Fizi) avec des dizaines de combattants; toutefois, il a fuit en brousse après que les FARDC ont attaqué ses troupes qui s’apprêtaient à désarmer à Kafulo le 2 mars.

Enfin, paradoxalement, la mort ou la capture des commandants de certains groupes armés a privé les FARDC d’interlocuteurs importants qui pourraient persuader leurs troupes de se démobiliser.

À la suite de la destitution de leur commandant, certains groupes se sont fragmentés en gangs de criminels opérant sans structure de commandement claire.

Au cours de son périple à Goma le 15 avril et à Beni le 16 avril 2019, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a promis de tout faire pour que la paix et la sécurité reviennent dans le Nord-Kivu, en affirmant que l’époque des groupes armés était révolue.

A ce sujet, si la promesse de remplacer les militaires qui ont fait longtemps au champ de bataille relève théoriquement d’une simple décision du commandant suprême des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC), la disparition des groupes armés reste quant à elle une gageure.

Certes, dans la foulée d’une reconfiguration du paysage des groupes armés des Kivu après les élections du 30 décembre, la liste de ceux disposés à déposer les armes n’a fait que s’allonger.

Ainsi après les premières redditions et captures de janvier et février, le chef Raia Mutomboki Kabishula alias Ngubito, actif en groupement de Ziralo en territoire de Kalehe, s’est rendu avec plus de 400 éléments à Nyamunyunyu le 5 mars; le Raia Mutomboki Safari, actif dans le groupement de Kalonge, toujours en territoire de Kalehe, s’est rendu le 26 mars; et le commandant de Nyatura Kavumbi s’est rendu aux FARDC  le 2 avril à Kirumbu dans le territoire de Masisi.

Des pourparler seraient en cours pour la reddition volontaire de certains autres groupes armés tels que avec les Nyatura de Kalume Matthias à Lumbishi en groupement de Buzi depuis mi-avril, avec les Raia Mutomboki Maheshe le 20 avril à Nzibira dans le groupement de Mulamba en territoire de Walungu. Les Nyatura de Ngwiti seraient aussi en route vers Muheto en vue de se rendre aux FARDC.

D’autres encore ont été capturés ou tués : le 3 janvier, les FARDC ont tué Lance Muteya à Nduma, en territoire de Shabunda; les grands commandants Mai-Mai Charles Bokande et Jackson Muhukambutho ont été tués dans des attaques (par des gens non encore identifiées), respectivement à Kamuhororo le 3 février et vers Ishasha le 21 avril, tous deux dans le nord-est du territoire de Rutshuru; le chef Raia Mutomboki Kokodikoko et le chef Raia Mutomboki Vunja Vikwazo ont été capturés le 14 avril en territoire de Shabunda, mais leurs dépendants courent encore.

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