À l’approche des élections américaines, Facebook est sous le feu des critiques pour sa gestion des fausses informations.

Facebook va interdire les vidéos deepfake et les supprimer de sa plateforme

À l’approche des élections américaines, le réseau social est critiqué pour sa gestion des fausses informations.

Ce deepfake de Donald Trump réalisé par Solidarité Sida ne sera plus autorisé sur Facebook. twitter.com/Solidarite Sida.

Cela faisait plusieurs mois que Facebook augmentait ses capacités de détection des deepfake, ces vidéos modifiées numériquement qui permettent de faire dire n’importe quoi à n’importe qui.

Il avait notamment lancé une compétition pour faire avancer la recherche en la matière. On sait aujourd’hui dans quel but: le réseau social a annoncé cette nuit qu’il interdira désormais les deepfake sur sa plateforme.

Dans une note de blog, sa vice-présidente de la stratégie Monika Bickert a annoncé que ces vidéos ne pourront plus apparaître sur Facebook. Toute vidéo qui met dans la bouche d’une personne des mots qu’elle n’a jamais prononcés ou bien qui rajoute des éléments à une scène de façon trompeuse sera ainsi supprimée de la plateforme. Deux exceptions à cette nouvelle règle: les vidéos à caractère humoristique et celles «qui ont été modifiées pour omettre des mots ou bien changer leur ordre».

Une campagne de communication comme celle qu’avait lancé en octobre Solidarité Sida, qui faisait déclarer à un double numérique du président des États-Unis Donald Trump que le sida avait été éradiqué, ne sera donc plus possible sur Facebook.

En revanche, la vidéo modifiée qui faisait passer la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi pour ivre en ralentissant son débit de voix restera en ligne, a confirmé Facebook à Reuters: «seules les vidéos crées grâce à l’intelligence artificielle pour faire dire des choses fausses à des gens seront supprimées».

Cette distinction illustre les limites de cette règle, qui ne prend pas en compte les cheap fakes, ces vidéos modifiées avec des techniques rudimentaires, mais non moins trompeuses.

Une annonce opportune

Cette annonce de Facebook arrive juste avant une nouvelle audition du réseau social par la chambre des représentants des États-Unis, la première depuis le passage en octobre dernier de Mark Zuckerberg devant les élus. Ils avaient questionné le PDG du réseau social à propos du libra, son projet de monnaie virtuelle controversé. Cette fois-ci, c’est justement à propos des deepfake et des cheap fakes que Facebook, représenté par Monika Bickert, sera interrogé. «Ces vidéos peuvent être utilisées pour répandre des fausses informations à des fins politiques, économiques, ou bien pour semer la discorde», a déclaré le Comité de l’énergie et du commerce - qui va mener l’audition - dans un document préparatoire.

Les élus vont également interroger Monika Bickert sur la façon dont Facebook lutte contre les faux comptes, qui peuvent être utilisés pour générer de l’engagement à grande échelle, et restent compliqués à repérer. Une question abordée par cette dernière dans sa note de blog, sans toutefois avancer de solution pérenne à ce problème.

Sa récente décision de ne pas vérifier la véracité des publicités politiques a attisé la colère des élus démocrates, qui accusent le réseau social de faire le jeu de Donald Trump en refusant de s’asseoir sur les recettes des campagnes publicitaires du milliardaire. «Nous estimons que les publicités politiques représentent 0,5% de notre chiffre d’affaires», a répondu Mark Zuckerberg dans une publication qui défend un principe de liberté d’expression.

Le Congrès américain a tenu une audience dédiée au développement de ces vidéos de désinformation d’un nouveau genre. Il souhaite que les réseaux sociaux s’unissent face à cette nouvelle menace .

C’est une première. Les parlementaires américains membres de la commission sur le renseignement au Congrès se sont réunis jeudi pour lutter contre le deepfake. Leur objectif? Tenter d’imposer un cadre légal pour contrer ces vidéos trafiquées à l’aide d’outils sophistiqués d’intelligence artificielle.

Cette audience est symbolique car elle montre que ce nouveau type de désinformation est pris au sérieux par les plus hauts représentants politiques américains à la veille la présidentielle de 2020. «Nous ne nous inquiétons plus seulement des robots sur Twitter et des faux comptes Facebook.

Pour nous, il est important de reconnaître que la menace des campagnes de désinformation évolue. Avec le développement du deepfake, les tentatives d’insertion de fausses nouvelles dans nos médias sont plus sophistiquées que jamais» alerte le républicain John Ratcliff, membre de la commission.

Au terme de leur réunion, les élus américains ont suggéré deux propositions. Premièrement, ils souhaitent que les plateformes les plus touchées par le deepfake à savoir Twitter, YouTube et Facebook s’unissent pour proposer des règles communes de modération contre le phénomène.

Deuxièmement, ils réfléchissent à modifier l’article 230 de la Communications Decency Act, loi votée en 1996 contre les contenus indécents sur Internet, qui garantit un statut «d’immunité» aux sites et donc aujourd’hui aux réseaux sociaux.

En d’autres mots, les élus américains ne veulent plus que Facebook, Twitter ou YouTube ne soient considérés comme de simples «hébergeurs» de contenus. «Des politiques de modération responsables doivent remplacer la forme de «laissez-passer» actuellement en vigueur. L’interprétation actuelle de l’article 230 n’incite pas les plateformes à s’attaquer de façon directe au deepfake» concluent-ils.

Déjà plusieurs projets de loi

Ces derniers mois, des projets de loi «anti deepfake» ont déjà été proposés aux États-Unis mais sont restés discrets. C’est le cas du texte présenté par le sénateur Ben Sasse en janvier dernier qui qualifie la création et la distribution malveillante de vidéo deepfake d’acte «criminel». Le projet de loi est resté lettre morte. Plus récemment, la démocrate Yvette Clarke a présenté un autre texte baptisé sobrement «Loi sur la responsabilité des DeepFake». Lequel oblige, sous peine d’amende et de peines de prison, les créateurs de deepfake à inclure dans leur vidéo une «empreinte numérique» qui montre que leur contenu n’est pas authentique.

Les réseaux sociaux, grands absents de cette audience, ont réagi. Facebook dit «consulter des experts sur le sujet». Le groupe, qui a toujours voulu se protéger d’un statut d’«arbitre de la vérité», ne supprime pas les deepfake sur sa plateforme mais les déréférence après qu’ils ont été vérifiés par des journalistes professionnels. Plus en retard, Twitter consulte et prévoit de «prendre des actions à la fois sur ses produits et sur ses politiques de modération» face au deepfake, sans donner plus de précision. YouTube n’a pas réagi suite à l’audience.

L’avancée du «cheapfake»

La situation est pourtant de plus en plus problématique alors que les moyens permettant de fabriquer des deepfake deviennent bon marché. Aux États-Unis, un terme dédié à cette nouvelle tendance commence à se démocratiser: le «cheapfake». La dernière polémique autour d’une vidéo trafiquée qui fait passer la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi pour une femme ivre en est le parfait exemple. Partagée par des proches de Donald Trump, elle a trompé des millions de personnes alors qu’elle a juste été ralentie grâce à un simple montage.

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