Àl'est dela Rép dém du Congo; L’insécurité ménance l’accès humanitaire face au COVID-19 qui reste chéval des batailles pour le pay - Babar Baloch, porte-parole du HCR

En République démocratique du Congo : l’insécurité persistante dans l’Est menace l’endiguement du Covid-19 (ONU)

Santé

Alors que les autorités congolaises luttent contre le nouveau coronavirus, l ’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)  met en garde sur les conséquences de la dernière vague de violence dans les régions orientales de la République démocratique du Congo (RDC).

Cette insécurité a provoqué le déplacement de milliers de personnes tandis que le pays s’efforce de lutter contre le Covid-19.

« Ces attaques entravent l’accès humanitaire, empêchent l’assistance aux personnes déplacées désespérées et perturbent la coordination vitale de la prévention et de la sensibilisation au Covid-19 », a déclaré Babar Baloch, porte-parole du HCR, lors d’un point de presse virtuel ce vendredi à Genève.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que l’insécurité et la diminution de l’accès humanitaire vont engendrer des défis majeurs pour le pays, déjà submergé et manquant de ressources pour ses services de santé », a mis en garde M. Baloch.

L’insécurité dans l’Est a obligé les partenaires du HCR à retirer leur personnel des sites de déplacement de Drodro et Bule dans la province de l’Ituri, laissant les personnes déplacées sans aide.

À ce jour, aucun cas de Covid-19 n’a été signalé parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile en RDC.

Le HCR redouble d’efforts pour mettre en œuvre des mesures de prévention et d’intervention dans les camps et sites de réfugiés.

Le HCR poursuit ses efforts dans le combat contre le Covid-19. Lorsque cela est possible, le HCR renforce ses activités régulières de santé et d’assainissement dans les camps et les centres de transit.

Les mesures actuelles de prévention contre le Covid-19 comprennent le contrôle de la température aux points d’entrée des camps, sites et centres de transit.

Des mesures de quarantaines adoptées pour les réfugiés burundais arrivés récemment

Le HCR a également installé quelque 365 stations de lavage des mains et a procédé à une première distribution de plus de 23.000 barres de savon. Le HCR mène aussi des activités de sensibilisation et de prévention.

« Les réfugiés et les déplacés expriment souvent leurs craintes face au virus, principalement en raison de la désinformation », a ajouté M. Baloch.

Les réfugiés et les déplacés expriment souvent leurs craintes face au virus, principalement en raison de la désinformation - Babar Baloch, porte-parole du HCR
Dans toute la RDC, le HCR soutient également le système national de santé pour intensifier sa réponse. L’agence onusienne a ainsi mis en place trois centres d’isolement dans la province du Kasaï où les patients présentant des symptômes de Covid-19 seront orientés vers un traitement, Ce qui limitera la charge des hôpitaux publics et des structures de santé. Avec ses partenaires, le HCR livre également du matériel médical, des lits, des masques ou des gants.

En outre, près de 2.000 demandeurs d’asile burundais récemment arrivés et vivant dans un centre de transit dans la province du Sud-Kivu, seront transférés dans une installation permanente.

Des abris temporaires sont actuellement en construction et ces nouveaux arrivants resteront en quarantaine pendant 14 jours et recevront de l’argent pour se construire un abri par le biais de transferts d’argent mobiles.

Le HCR poursuit son plaidoyer pour l’égalité d’accès aux réfugiés et aux personnes déplacées dans les systèmes de santé nationaux mis en place pour lutter contre le Covid-19.

La cheffe des droits de l’homme alarmée par le regain de violence en Ituri

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’est aussi alarmé de la dégradation de la situation sécuritaire dans les territoires de Djougou et Mahagi.

Dans ces localités de la province de l’Ituri, plus de 150 personnes y ont été tuées au cours des 40 derniers jours à la suite d’une série d’attaques perpétrées par des auteurs basés à Djougou.

« Parmi les attaquants figuraient des membres du groupe armé de la Coopérative de développement du Congo (CODECO), dont la plupart sont issus de la communauté ethnique lendu », a dit aux médias, Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat lors d’un point de presse virtuel ce vendredi à Genève.

Jusqu’à présent, en avril, 49 autres personnes ont été tuées, 13 blessées et six enlevées - Rupert Colville, porte-parole du HCDH.

Pour le seul mois de mars, les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet ont enregistré 107 civils tués et 43 blessés.

« Jusqu’à présent, en avril, 49 autres personnes ont été tuées, 13 blessées et six enlevées », a ajouté Rupert Colville.

Depuis le début de l’année, 334 victimes civiles (206 civils tués, 74 blessés et 54 enlevés) ont été enregistrées.

Les dernières violences ont eu lieu samedi dernier lorsque les combattants de la CODECO ont attaqué le village de Koli dans la nuit, tuant 23 civils.

Selon l’ONU, plusieurs agressions horribles ont été signalées et les attaques menées par des éléments armés basés à Djougou se sont considérablement intensifiées en mars.

Pour un renforcement de la présence des forces de sécurité et des représentants de l’État dans la région

Selon le Haut-Commissariat, la brutalité des attaques suggère que l’objectif est « d’infliger un traumatisme durable aux populations touchées, les forçant à fuir, et ainsi de prendre le contrôle du territoire, qui est riche en ressources naturelles ».

Les services de la Haut-Commissaire Bachelet rappellent que les auteurs utilisent généralement des machettes pour tuer des femmes et des enfants, violent, pillent des biens, détruisent des maisons et tuent le bétail.

Pourtant malgré ces atrocités, les communautés touchées, principalement les Hema, mais aussi les Alur, les Ndo Okebo et les Mambisa, ont généralement « fait preuve de retenue ».

Cependant, le Haut-Commissariat craint la formation de milices d’autodéfense en cas de poursuite des attaques et sans une réponse décisive des forces de sécurité pour défendre la population civile.

« Cela va accroître ainsi la probabilité d’une aggravation de la violence intercommunautaire », a mis en garde M. Colville.

Face à ce regain de violence, le HCDH appelle les autorités congolaises à renforcer la présence des forces de sécurité et des représentants de l’État dans la région.

Le Haut-Commissariat demande à Kinshasa à veiller à ce que des enquêtes approfondies soient menées sur toutes les allégations de violations des droits humains.

« Nous demandons à tous les auteurs des violences de rendre des comptes dans le cadre de procès équitables et impartiaux et à permettre aux victimes et à leurs familles d’avoir accès à la justice, à la vérité et à des réparations », a insisté M. Colville.

Plus de cinq millions de personnes ont été déracinées par le conflit en RDC, qui accueille également plus d’un demi-million de réfugiés, fuyant les troubles et les persécutions dans les pays voisins.

Les récentes attaques dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri auraient provoqué le déplacement de plus de 35.000 personnes au cours des dernières semaines, dont environ 25.000 dans des villages au sud du territoire de Lubero.

Dans le même temps, la sécurité s’est détériorée dans le territoire de Djougou, dans la province d’Ituri, où un nombre croissant d’attaques par des assaillants inconnus ont déplacé plus de 12.000 personnes jusqu’à présent ce mois-ci.

Le défi de la distanciation physique dans des camps surpeuplés

Comme les cas confirmés de Covid-19 continuent d’augmenter en RDC avec 267 cas confirmés et 22 morts, principalement dans la capitale Kinshasa, le HCR travaille en étroite collaboration avec d’autres agences des Nations Unies et des partenaires humanitaires pour prévenir la propagation de la maladie parmi les réfugiés et les déplacés internes.

Plus largement, la violence et l’insécurité persistantes dans d’autres régions du pays pourraient rendre plus difficile l’accès des personnes déplacées aux établissements de santé publique.

D’autant que sur le terrain, il est parfois très difficile de mettre en pratique la politique de distanciation physique, avec la surpopulation notée dans certaines zones et sites accueillant des déplacés.

Conséquences observables

L’arrivée du virus dans la région a toutefois, d’ores et déjà eu des conséquences observables dans le Kivu.

Tous les Etats limitrophes ont fermé leurs frontières aux voyageurs : c’est le cas du Burundi depuis le 15 mars, du Rwanda depuis le 21 et l’Ouganda depuis le 23.

Ces décisions ont coupé des voies de communications régulièrement empruntés par les Kivutiens, comme la route Bukavu – Goma via Kibuye au Rwanda, ou encore la route Bukavu – Uvira via le Rwanda et le Burundi.

Une partie du trafic s’est donc reportée vers des routes en moins bon état et ou plus dangereuses, exposant les voyageurs à davantage de risques.

Une hausse de l’insécurité a ainsi été constatée début avril dans la plaine de la Ruzizi, sans que l’on puisse directement la relier aux fermetures des frontières.

Par ailleurs, les autorités provinciales ont décidé de fermer les voies d’accès aux principaux centres urbains de la région que sont Bukavu, Goma, Butembo et Beni.

Ces restrictions ne s’appliquent en principe pas aux marchandises. Néanmoins, certains témoignages recueillis par le KST indiquent que ces décisions sont interprétées de manière maximalistes et ont, dans les faits, ralenti le commerce.

Une grande partie des échanges dans la région est, de surcroît, le fait de petits commerçants qui se déplacent physiquement avec leurs produits.

Par ailleurs, ces frontières – notamment celle entre Goma et Gisenyi, au Rwanda, sont, en temps normal, traversées quotidiennement par des milliers de travailleurs journaliers.

La crise a donc déjà entraîné la perte de ces activités économiques ainsi que l’augmentation des prix des biens de première nécessité ce qui rogne le pouvoir d’achat des habitants.

Le 26 mars, peu après la fermeture des frontières, l’inflation atteignait déjà entre 5 et 88% sur les produits de première nécessité selon les relevés du KST à Goma.

Au cours des 20 derniers mois, l’Est du Congo a combattu la plus longue et complexe épidémie d’Ebola de l’histoire du pays. Elle a aussi été la plus meurtrière, fauchant 2 276 personnes.

Mais un nouveau mal transmissible est apparu : le coronavirus, ou COVID-19. Depuis le 29 mars, date de l’annonce des deux premiers cas confirmés à Bukavu, la pandémie touche à son tour officiellement le Kivu.

Cette analyse tente d’anticiper les effets que pourrait avoir cette nouvelle épidémie sur la paix et la sécurité dans le Kivu, même si peu de précédents permettent de fonder des prévisions.

Le COVID-19 est la première pandémie à coronavirus de l’histoire. Elle n’en est encore qu’à ses débuts dans le monde et plus encore sur le continent africain.

Surtout, elle n’a encore jamais touché de zone de conflit.

Si l’épidémie d’Ebola récente peut fournir des enseignements intéressants, les deux situations sont distinctes. L’épidémie d’Ebola n’a touché qu’une zone circonscrite aux provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.

Bien que sa létalité était très forte (plus de la moitié des malades décédaient) la maladie n’était transmissible que lors de l’apparition de symptômes spectaculaires aisément identifiables et donc traçables.

Un vaccin a pu être utilisé pour aider à contrôler la contagion. Enfin, la RDC a reçu une aide de la communauté internationale importante pour y faire face : plus de 800 millions de dollars au total.

Le personnel de santé est devenu une cible et la captation de ressources allouées par la communauté internationale un enjeu, qui semble avoir accentué les conflits.

A contrario, l’épidémie de COVID-19 n’a de cesse de s’étendre géographiquement et rien n’indique qu’elle restera cantonnée à certaines poches dans l’Est de la RDC.

Les stratégies de contrôles par traçage et isolement sont extrêmement ardues face à ce virus, qui peut être transmis par des porteurs asymptomatiques et seuls quelques pays au monde (Singapour, Taïwan, la Corée du Sud, le Japon ou encore le Vietnam) sont provisoirement parvenus à les appliquer avec succès.

Tous étaient des pays dotés d’États forts et il n’est pas certain que la RDC dispose de cette capacité, en particulier dans l’Est. Enfin, il s’agit d’une pandémie affectant tous les continents.

Si la Chine et l’Union européenne se sont engagés à aider le continent (l’Union européenne a notamment annoncé qu’elle « garantissait » 15 milliards d’euros d’aide) cette assistance, consentie au continent dans son ensemble, sera nécessairement plus diluée que la riposte contre Ebola.

Dans ces conditions, toute analyse prospective est nécessairement spéculative et les tendances avancées ici ne peuvent être, au mieux, que provisoires.

Mais la situation économique pourrait s’aggraver encore si les autorités locales adoptaient des mesures de confinement total, comme celles mises en place dans la commune de la Gombe, à Kinshasa depuis le 6 avril.

Celles-ci pourraient avoir des conséquences dévastatrices sur l’emploi et les revenus dans des villes où le salariat est l’exception, le travail à distance rarement possible et le secteur informel représente l’essentiel des postes (le secteur informel urbain représentait 81,5% des emplois en 2012 en RDC).

Si elles étaient décidées, ces mesures pourraient en outre générer des tensions en portant atteinte aux intérêts fondamentaux d’une partie significative de la population.

Par ailleurs, le ralentissement économique international touche également le Kivu. Comme lors des crises économiques précédentes, l’envoi de fonds par la diaspora, surreprésentée dans les couches les plus vulnérables des sociétés industrialisées, pourraient se tarir.

Les prix des matières premières, sur les marchés internationaux, ont par ailleurs significativement baissé.

L’impact est déjà visible, notamment, sur les cours de l’étain dont le minerais, la cassitérite, est notamment extrait des territoires de Walikale et de Shabunda.

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