Après 18 ans passé à la tête de la Rdc, Joséph-Kabila doit défendre son bilan



A 30 ans, Joseph Kabila succède à son père Laurent-Désiré Kabila après la disparition de ce dernier dans un attentat. Le père avait succédé à Mobutu qui avait régné sur le Congo pendant 32 ans. Le fils Kabila hérite d’un pays exsangue, déchiré depuis 1998 par une guerre régionale impliquant une trentaine de groupes armés et plusieurs pays africains. 

La RDC, alliée notamment à l’Angola et au Zimbabwe, affronte des rebelles banyamulenge venus du Kivu (Est) et soutenus notamment par le Rwanda et l’Ouganda. Selon les ONG, cette guerre, connue  sous le nom de « deuxième guerre du Congo », aura fait quatre millions de morts et fait fuir plusieurs millions de personnes, réfugiées dans les pays voisins.
►7 décembre 2002 : négociations et partage du pouvoir
Réunis à Pretoria, le gouvernement de transition de Kinshasa et les principaux groupes rebelles signent un accord de paix à Pretoria, mettant officiellement un terme à la guerre. L’accord prévoit la nomination d’un gouvernement d’union nationale composé des leaders des mouvements rebelles, chargé de préparer les élections multipartites.
►18 décembre 2005 : naissance d'une nouvelle République
Les Congolais sont appelés à se prononcer par référendum sur la nouvelle Constitution rédigée sous l’égide du gouvernement d’union nationale en place depuis deux ans. La Constitution est approuvée à 84% par les électeurs.
► 6 décembre 2006 : Joseph Kabila élu président
Proclamé officiellement vainqueur avec 58% des voix au second tour face à son vice-président Jean-Pierre Bemba lors des premières élections libres depuis le coup d'Etat de Mobutu en 1965, Joseph Kabila prête serment en tant que président élu. Ces élections au suffrage direct avaient été organisées par une commission électorale indépendante et avaient été jugées relativement justes par la communauté internationale, mais l’entre-deux-tours a été marqué par des violences. Des partisans des deux candidats se sont affrontés à l’arme lourde dans les rues de Kinshasa.
►28 août 2008 : le Nord-Kivu à feu et à sang
L’année 2008 est ponctuée de violences dans le Nord-Kivu, opposant l’armée et les combattants du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), mouvement dirigé par le général rebelle Laurent Nkunda. Les affrontements prennent un tournant tragique avec l’exode de 250 000 réfugiés suite à une vaste offensive des troupes du CNDP. L’année se clôt sur la publication d’un rapport de l’organisation Human Rights Watch qui accuse le régime de Joseph Kabila de pratiquer la « répression brutale », entraînant la mort de 500 opposants et l’arrestation de plus d’un millier de personnes en deux ans de pouvoir.
►23 mars 2009 : recherche de la paix
Sous la pression de la communauté internationale, le gouvernement Kabila signe à Goma un accord de paix avec le CNDP. Kinshasa s’engage à intégrer les troupes rebelles de Laurent Nkunda au sein de l’armée régulière FARDC. Devenu un parti politique et un allié de la majorité présidentielle, le CNDP coopère avec le gouvernement pour la recherche de la paix face à l’insécurité qui règne encore dans l’est du pays.
►28 novembre 2011 : élections contestées
Joseph Kabila est officiellement réélu lors d’une présidentielle à un tour et son camp obtient la majorité absolue aux législatives. L’opposant Etienne Tshishekedi, arrivé deuxième à la présidentielle, rejette les résultats. Les élections sont marquées par des violences et entachées de multiples irrégularités, conduisant la mission d'observateurs de l'Union européenne à s'interroger sur la crédibilité des résultats. Le pays est au bord de l’implosion.
►6 mai 2012 : naissance du Mouvement du 23 mars
On assiste à la recrudescence de violences dans le Kivu avec l’entrée en scène du Mouvement du 23 Mars (M23), composé d’ex-rebelles du CNDP intégrés à l’armée. Les mutins dénoncent le non-respect des accords signés par le président Kabila le 23 mars 2009, date à laquelle le nom de leur mouvement fait référence. C’est le début d’une nouvelle guerre en RDC, fomentée, selon la communauté internationale, par le Rwanda et l’Ouganda. En novembre les rebelles du M23 prennent le contrôle de Goma, la capitale du Nord-Kivu.
►12 décembre 2013 : fin de la rébellion
Kinshasa et les rebelles du M23 entérinent formellement à Nairobi la fin de leur conflit, plus d’un mois après la défaite militaire de la rébellion, début novembre, avec la prise de contrôle par les troupes gouvernementales de leurs dernières bases dans l’Est. La reddition en mars 2013 de Bosco Ntaganda, chef des rebelles, avait marqué le début de la fin de cette mutinerie.
►19 au 22 janvier 2015 : manifestations contre la révision de la loi électorale
La proposition du gouvernement de modifier la loi électorale pour permettre au président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son mandat, fin 2016, pousse les opposants au régime à manifester, principalement dans les rues de Kinshasa. La répression fait plusieurs dizaines de morts.
►31 décembre 2016 : accord entre pouvoir et opposition
Sous l’égide de l’épiscopat catholique, le pouvoir et l’opposition signent un accord permettant au président Kabila de se maintenir au pouvoir jusqu’à fin 2017, en contrepartie de la création d’un Conseil national de transition et la nomination d’un Premier ministre de l’opposition. L'opposant Bruno Tshibala est nommé à la primature, poste brigué par Félix Tshisekedi, fils d'Etienne Tshisekedi décédé en février.
►5 novembre 2017 : guerre des dates
Joseph Kabila et ses proches poussaient pour avril 2019 pour la tenue des élections présidentielles, législatives et provinciales attendues depuis deux ans. Or sous la pression de la communauté internationale ainsi que l’opposition congolaise et les mouvements citoyens, la Commission électorale annonce la date du 23 décembre pour l’organisation de ces scrutins régulièrement reportés.
►8 août 2018 : Kabila nomme un dauphin
Après avoir laissé planer le doute sur sa volonté de briguer un nouveau mandat, ce qui aurait nécessité la modification de la Constitution, le président Kabila renonce et désigne son ex-ministre de l’Intérieur et secrétaire permanent du PPRD au pouvoir, Emmanuel Ramzani Shadary, comme le candidat de son camp au présidentiel. Fidèle du président sortant et originaire de la province du Maniema dans l'est de la RDC, Emmanuel Shadary portera les couleurs du Front Commun pour le Congo (FCC), la nouvelle coalition politique regroupant les partis de la majorité présidentielle.
►11 novembre 2018 : candidat unique de l’opposition désavoué
Face au candidat du pouvoir, les ténors de l’opposition réunis à Genève désignent l’ancien homme d’affaires Martin Fayulu, fondateur du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement, comme le candidat unique de l'opposition à la présidence.

Cette nomination suscite l’enthousiasme dans les rangs de l’opposition, mais patatras, dès le lendemain de l’annonce, le candidat est désavoué par deux principaux leaders de l’opposition congolaise : Félix Tshisekedi de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et par le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) Vital Kamerhe. Ce dernier soutient désormais la candidature Tshisekedi.
►21 décembre 2018 : report des élections
La Commission électorale, la Céni, crée la surprise en reportant les scrutins au 30 décembre, suite à l’incendie de l’un de ses entrepôts à Kinshasa où étaient stockés des machines à voter ainsi que des bulletins de vote. L’opposition y voit un prétexte pour reporter les élections aux calendes congolaises.


A deux jours de scrutins cruciaux en RDC, la Céni assure n’avoir toujours pas suffisamment de machines à voter pour ouvrir l’ensemble des bureaux de vote prévus à Kinshasa, la capitale. L’opposition dénonce une nouvelle stratégie pour empêcher ses partisans de voter, alors que la capitale lui est réputée proche.

Après l'incendie de l'un de ses principaux entrepôts à Kinshasa, mi-décembre, 8 000 machines à voter sont parties en fumée, affirme la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Sur les 10 300 et quelques, il n'en restait donc plus que 2 300. Aujourd'hui, elle affirme en avoir réuni 9 000. En récupérant entre autres certaines machines dans le Haut-Katanga.

Mais, selon la Céni, ce n'est toujours pas assez pour les 7 939 bureaux de vote prévus dans la capitale. Résultat : elle a réduit le nombre de bureaux de vote de près de 14 %, soit 1 092 bureaux en moins.

Le rapporteur de la Céni, Jean-Pierre Kalamba assure que ça ne pose « aucun problème », citant cet exemple : au lieu de dix bureaux de vote dans une école, il n'y en aura que neuf. Au lieu de 600 électeurs par bureau, il y en aura 700. Mais là encore, pas de problème, assure la Céni : « Tous ceux qui seront dans la file d’attente pourront voter », insiste-t-il.

Craintes

Reste que 100 électeurs de plus par bureau de vote, c'est forcément des files d'attente plus grandes et le risque que certains électeurs ne se découragent et ne rentrent chez eux.

Autre problème : les électeurs sauront-ils où aller voter avec cette réorganisation tardive ? Enfin, si les votants passent de 600 à 700 par bureaux de vote, il faut réimprimer les listes d’électeurs. Une autre contrainte logistique de taille quand on parle de 4,457 millions électeurs pour Kinshasa, soit 11 % de l’électorat du pays.

« La campagne s’est plutôt mieux déroulée qu’en 2011 », selon Leila Zerrougui (Monusco).

Alors que les esprits s’échauffent à Kinshasa, suite à l’exclusion des circonscriptions de Beni, Butembo et Yumbi de l’élection présidentielle du 30 décembre, la représentante spéciale du secrétaire générale de l’ONU, Leila Zerrougui, appelle toutes les parties prenantes au calme et à la concertation. Et dévoile certaines coulisses des tractations survenues ces derniers jours.


Il est 11 heures, ce mercredi 26 décembre, lorsque Leila Zerrougui  nous ouvre la porte de son bureau, au dernier étage du siège de la Mission de l’ONU (Monusco) à Kinshasa. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) vient de rendre publique une nouvelle décision qui menace de rompre le relatif apaisement qui prévaut dans la capitale : les habitants de Beni, Butembo et Yumi ne pourront pas élire leur président le 30 décembre prochain, annonce-t-elle.

Jeune Afrique : La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) vient d’annoncer que les électeurs de Beni, Butembo et Yumbi ne pourraient pas voter le 30 décembre. Quelle est votre réaction ?


Leila Zerrougui : Nous regrettons qu’une partie de la RDC soit dans l’impossibilité de voter dimanche. Nous comprenons qu’il y a des contraintes, mais ce report constitue un véritable coup dur pour une population qui connaît déjà de nombreuses souffrances.


Il en faudrait plus pour perturber la Représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en République démocratique du Congo. Alors que ses propres équipes s’affolent en raison des retards pris par la Ceni, alors que l’opposition crie à l’injustice et à l’illégalité, elle-même reste imperturbablement optimiste.


Dans ce nid d’aigle, d’où elle dirige la plus importante mission onusienne au monde, Leila Zerrougui veut encore croire que cette élection pourrait bien se passer. Auquel cas ce scrutin, qu’elle a tenté d’accompagner malgré les réticences de Kinshasa, entrerait dans l’histoire comme la première passation légale de pouvoir dans l’histoire du pays.

Je vais poursuivre mon travail afin de calmer les esprits. Beni demeure l’une des priorités de la Monusco : nous continuons à soutenir sa population en facilitant la riposte à l’épidémie d’Ebola et en menant des opérations afin de renforcer la sécurité dans cette région.

Est-ce que les conditions posées restent acceptables ?


Ce n’est pas à moi de le dire, mais aux Congolais. Ces derniers jours, j’ai rencontré le candidat de Lamuka [l’opposant Martin Fayulu, ndlr], les gens de la Ceni et le président de la République. J’essaie de jouer mon rôle, qui est de leur demander de trouver un terrain d’entente.

TOUT LE MONDE S’EST MIS D’ACCORD SUR LE FAIT QU’ACCEPTER LA MACHINE À VOTER EN TANT QU’IMPRIMANTE N’ÉTAIT PAS UN PROBLÈME !

L’opposition demande à ce qu’un mécanisme de concertation soit activé pendant cette période, afin que tous puissent se concerter avec la Ceni. Martin Fayulu me l’a encore demandé, et je transmets ce message. Concernant la machine à voter, par exemple, tout le monde s’est mis d’accord sur le fait qu’accepter cette machine en tant qu’imprimante n’était pas un problème.

L’ONU a proposé une aide logistique à la Ceni. Regrettez-vous que celle-ci n’ait pas été acceptée ?

Le Conseil de sécurité nous a donné un mandat d’appui technique, logistique et de bons offices, ainsi qu’un budget supplémentaire. Le gouvernement congolais a décidé d’organiser lui-même ces élections. Nos interlocuteurs à Kinshasa ont voulu relever ce défi, ce à quoi j’ai répondu : « Si vous y arrivez, je serai la première à applaudir ! »


En août, j’ai proposé au Conseil de sécurité de renvoyer les avions qui avaient été mis à disposition. Celui-ci a refusé, en disant : « Restons mobilisés jusqu’au dernier jour des élections, en cas de besoin. On ne veut pas que les Nations unies puissent être blâmées. »

La plupart des avions ont fini par être renvoyés, le 3 décembre. Il nous reste ceux qui étaient censés ramener les résultats des votes, qui resteront au moins jusque début janvier.

Ceci étant dit, la Monusco fournit un appui technique à ces élections. Nos agents sont présents à l’intérieur des bureaux de la Ceni. Nous totalisons 217 experts, répartis dans 26 provinces.

NOUS DEVONS NOUS CALER SUR LE CALENDRIER CONGOLAIS !

La Ceni se montre-t-elle transparente envers l’ONU ?

Kinshasa a enjoint jeudi à l'Union européenne (UE) de rappeler dans les "48 heures" son représentant en République démocratique du Congo, une mesure de rétorsion après le maintien des sanctions européennes visant 14 personnalités congolaises, dont le candidat du pouvoir à l'élection présidentielle.

"Le gouvernement de la République démocratique du Congo invite instamment le Conseil européen à procéder impérativement dans les 48 heures au rappel de son chef de mission en République démocratique du Congo", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, à trois jours des élections générales prévues dimanche.

Le chef de la diplomatie congolaise s'exprimait depuis son ministère où il avait convié des diplomates occidentaux, dont le chef de mission de l'UE, le Belge Bart Ouvry.

"Cette mesure sanctionne d'une part le comportement répréhensible de l'intéressé et d'autre part s'inscrit dans le cadre de la réciprocité", a insisté le ministre d'une voix tendue.

Dans son propos, M. She Okitundu a évoqué "des sanctions infligées unitatéralement par le Conseil européen à d'éminentes personnalités" de la RDC.

Il a rappelé qu'il avait demandé la "levée" ou la "suspension" des sanctions "jusqu'à la tenue des élections générales en RDC".

"Ce plaidoyer, patiemment engagé, demeure sans écho surtout après le renouvellement desdites mesures par le Conseil européen de ce mois de décembre 2018", a-t-il déclaré.

L'UE avait annoncé le 10 décembre la prolongation pour un an, jusqu'à décembre 2019, de ses sanctions visant 14 responsables du régime du président congolais Joseph Kabila accusés de violations des droits de l'homme, dont son dauphin pour la présidentielle Emmanuel Ramazani Shadary.

"Le Conseil réexaminera à nouveau les mesures restrictives compte tenu des élections en RDC et se tient prêt à les adapter en conséquence", avait indiqué l'Union européenne.

Les élections générales sont prévues dimanche en RDC après trois reports.


Ces sanctions (gel d'éventuels avoirs et l'interdiction de visa) avaient été prises début 2017 quand M. Ramazani Shadary était ministre de l'Intérieur.








Commentaires