La mort d’ Etienne Tshisekedi, opposant historique en République démocratique du Congo, rebat les cartes du jeu politique national et augure mal d’une mise en œuvre rapide de l’accord signé péniblement le 31 décembre 2016en vue de l’organisation d’une présidentielle avant la fin de l’année. Entré en dissidence en 1980, M. Tshisekedi a incarné à lui seul l’opposition congolaise pendant plus de trente années de lutte, d’abord contre la dictature de Mobutu (1965-1997), puis contre ses successeurs à la tête du pays, Laurent-Désiré Kabila (1997-2001) et son fils, Joseph Kabila. Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), spécialiste de l’Afrique centrale, a répondu à vos questions lors d’un Facebook Live :

Rival de Mobutu Sese Seko à l’époque du Zaïre puis de Joseph Kabila, Etienne Tshisekedi a passé sa vie à attendre le pouvoir, rêvant de diriger le plus grand pays d’Afrique francophone. Il est décédé le 1er février 2016 en Belgique, des suites d’une embolie pulmonaire à l’âge de 84 ans. Retour sur son parcours politique en six dates. RDC : quel héritage l’opposant Etienne Tshisekedi laisse-t-il ? En quatre décennies, le Sphinx de Limete s’est imposé contre vents et marées comme la figure emblématique de l’opposition congolaise. Retour en vidéos sur les temps forts d’un parcours politique tumultueux.
Si certains considéraient le retour en RD Congo d’ Étienne Tshisekedi, le 27 juillet 2016, comme un tournant historique à même de pousser le président Kabila au départ, d’autres jugeaient que l’état de santé de l’opposant, qui s’était beaucoup détérioré, ne lui permettrait pas de mener à bien son combat. Ces derniers ont finalement eu raison.
Décédé mercredi 1er février à Bruxelles d’une embolie pulmonaire, « Ya Tshi Tshi »n’a pas pu mener à bien l’ultime bataille politique qui devait clore des années de lutte farouche contre le pouvoir. Jeune Afriquerevient en vidéo sur les grandes périodes de sa carrière politique. Avant de tourner le dos à Mobutu Sese Seko, le jeune Tshisekedi a d’abord été étroitement lié à ce dernier. D’abord membre du gouvernement provisoire mis en place après le coup d’état de 1960, Tshisekedi se hisse en 1965 au rang de ministre de l’Intérieur, après le second coup d’État. Sous sa responsabilité s’opère l’un des épisodes les plus douloureux du pays soumis au régime de Mobutu : la pendaison des « Martyrs de la Pentecôte », ces hauts fonctionnaires qui, accusés de complot, seront exécutés aux yeux de tous dans le stade de Kinshasa, le 1er juin 1966.
Dans la vidéo ci-dessous, on peut voir Étienne Tshisekedi justifier le choix du châtiment à un journaliste. Il explique : « L’action pénale ne doit pas toujours être répressive, mais préventive :il faut prévenir tous ceux qui étaient dans le coup, et ceux qui attendaient leur tour, pour qu’ils puissent voir avec quelle sévérité on punit ce genre d’infraction ». Selon lui, les martyrs auraient commis un acte impardonnable de « connivence avec les milieux de la haute finance étrangère que nous combattons pour les intérêts supérieurs de la nation. »
*. Les années 1980 : le désaveu
Alors que Tshisekedi gravit les échelons du pouvoir, le pays ploie sous la chape de plomb du régime de Mobutu, qui impose le Mouvement populaire de la révolution (MPR) comme parti unique. Un affront pour Tshisekedi, qui avait pris part à la rédaction du manifeste de la N’sele en 1967, acte fondateur du parti national qui prévoyait initialement l’existence de deux partis politiques au Congo.
En 1980, Tshisekedi signe ainsi une lettre ouverte avec un groupe de parlementaires condamnant les abus du régime du Maréchal-Président. La rupture est consommée : deux ans plus tard, « Tshi Tshi » fonde l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), dont les membres sont traqués par les autorités. Son activité au sein de ce parti d’opposition lui vaudra ainsi d’être incarcéré à plusieurs reprises durant cette décennie.
Dans l’extrait ci-dessus, on peut voir Tshisekedi évoquer le basculement du régime vers l’imposition d’un parti unique, déplorer que le MPR ne soit pas « basé sur l’adhésion libre » et que par conséquent « tout Zaïrois de par sa naissance est membre du MPR ».
*.Les années 1990 : la valse de l’opposant
À l’occasion de la conférence nationale souveraine (1990-1992) qui instaure finalement le multipartisme, Mobutu consent à nommer Tshisekedi Premier ministre, d’abord pour quelques jours en 1991, puis le 15 août 1992. Au sommet de sa popularité, le chef de l’opposition montre qu’il n’hésite pas à tenir tête au chef de l’État lors de sa prestation de serment, ce qui lui vaudra d’être limogé en février 1993.
Même scénario en 1997 : nommé une nouvelle fois Premier ministre alors que les troupes de Laurent-Désiré Kabila envahissent l’est de la RD Congo, Tshisekedi a pour mission de rétablir la paix dans le pays. Taclant de nouveau un Mobutu vieillissant, il dévoile son gouvernement qui réserve six porte-feuilles à l’AFDL de Kabila (comme on peut le voir dans la vidéo ci-dessus). Ce dernier, peu impressionné, rejette l’offre d’intégrer l’équipe de Tshisekedi… et l’écarte du gouvernement immédiatement après sa prise de pouvoir en mai 1997. Tshisekedi est ainsi brièvement arrêté un mois plus tard, puis tout bonnement interdit d’exercer son activité politique en 1998.
*.Les années 2000 : président envers et contre tous
En 2003, deux ans après après l’assassinat du Mzee, Tshisekedi reste inflexible face au fils de l’ancien président, Joseph Kabila, qui s’est glissé dans les habits du pouvoir au lendemain de la mort de son père. Sans doute lassé, aussi, de jouer un rôle de ministre putatif, il refuse d’intégrer le gouvernement de transition et demeure à la tête...

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